Le directeur de la radio indépendante Sombok Khmum, Mam Sonando, est emprisonné depuis le 11 octobre. Il risque un an de prison pour avoir interviewé un opposant du Premier ministre Hun Sen. Deux correspondants de radios internationales ont par ailleurs fui le pays de peur d'être arrêtés. Reporters sans frontières dénonce ces pressions intolérables.
Un mois après son arrestation, Mam Sonando, directeur de la radio Sombok Khmum (Ruche FM 105), est toujours détenu à la prison de Prey Sar, près de Phnom Penh. La justice a refusé sa libération sous caution et le gouvernement s'apprêterait à ajouter à son dossier des accusations de diffusion de fausses nouvelles.
« En arrêtant Mam Sonando, le gouvernement cambodgien cherche à dissuader les journalistes de couvrir la question très sensible de cession des terres au Viêt-nam. Le Premier ministre Hun Sen a beau invoquer la sécurité nationale pour emprisonner des journalistes et des militants associatifs, il est de plus en plus évident que les autorités sont prêtes à sacrifier la liberté de la presse pour préserver leur pouvoir et éviter toute critique », a affirmé Reporters sans frontières.
Reporters sans frontières a analysé l'interview réalisée par Mam Sonando sur le différend frontalier avec le Viêt-nam. Il apparaît très clairement que le directeur de Sombok Khmum n'a fait que son métier de journaliste en interviewant Sean Pengse, président du Comité des frontières du Cambodge.
Dans cet entretien de 39 minutes diffusé le 20 septembre 2005, Mam Sonando demande à Sean Pengse de fournir des explications sur les traités frontaliers entre le Cambodge et le Viêt-nam. Si, à un moment donné, le journaliste affirme être d'accord avec son interlocuteur, c'est à propos de l'indifférence internationale face à cette question. En aucun cas, Mam Sonando n'attaque directement le chef du gouvernement, Hun Sen. Au contraire, il le défend à deux reprises. Le journaliste déclare par exemple à Sean Pengse : « Je trouve que vous rejetez toute la responsabilité du problème sur Hun Sen. Mais il est dans l'exécutif et il se place derrière l'Assemblée nationale. »
Reporters sans frontières va saisir l'Organisation internationale de la Francophonie au sujet de la détention de Mam Sonando et des menaces actuelles contre les journalistes cambodgiens. Le représentant spécial des Nations unies pour le Cambodge a déjà demandé la libération du journaliste, le 20 octobre.
Le 3 novembre, le juge Saly Theara a refusé la libération sous caution de Mam Sonando. L'avocat du chef du gouvernement a annoncé que l'accusation de « diffusion de fausses nouvelles » serait ajoutée aux charges de « diffamation » et d'« incitation au crime ».
Mam Sonando encourt une peine d'un an d'emprisonnement. Par ailleurs, Rong Chhun, président de l'Association indépendante des enseignants du Cambodge, a été arrêté et risque la même peine pour avoir signé un communiqué sur la question des frontières.
Reporters sans frontières est également très préoccupée par les menaces d'arrestation qui pèsent contre les correspondants Sok Pov Khemara de Voice of America et Ath Bunny, connu sous le nom de Phan Sophat, de Radio Free Asia, qui ont préféré fuir, fin octobre, vers la Thaïlande. Et cela bien que les autorités aient affirmé qu'elles n'avaient pas l'intention de les interpeller.
Rappel des faits
Mam Sonando a été interpellé à son domicile, le 11 octobre 2005, vingt jours après la diffusion d'une interview de Sean Pengse, président du Comité des frontières du Cambodge basé en France, mouvement opposé à la cession au Viêt-nam des îles de Phu Quoc et de Krachaksès. Le Premier ministre Hun Sen a déclaré qu'il poursuivrait en justice “ceux qui oseront dire qu'il a coupé des terres pour les remettre à d'autres”.
Sombok Khmum est l'une des rares radios privées à diffuser des programmes d'information indépendants. La station retransmet également les programmes de Radio Free Asia et Voice of America.