"Les prodigieuses réalisations de la Chine dans son entreprise sur les droits de l'homme démontrent pleinement qu'elle a pris la voie correcte du développement des droits de l'homme qui convient à ses conditions nationales". Voici le bilan que dressent non sans satisfaction les autorités chinoises dans leur rapport, “
Progrès dans les droits de l’homme en Chine en 2014”, publié ce lundi. Pékin y rappelle également son attachement aux “droits fondamentaux”, “aux valeurs universelles, à la “démocratie” et à la “société civile”.
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L’hypocrisie et l’outrecuidance de ce livre blanc prêteraient à sourire si elles n’avaient d’égal que la sévérité des autorités chinoises à l’égard des journalistes, blogueurs et cyberdissidents, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.
En s’appuyant sur des statistiques qu’elles vident de leur sens, les auteurs du rapport tentent vainement d’occulter la longue listes des violations des droits de l’homme directement commanditées par le gouvernement de Xi Jinping. Nous appelons la communauté internationale à condamner la publication de ce rapport et à dénoncer la nature mensongère du bilan qui y est dressé. La Chine doit cesser de feindre le respect des droits de l’homme et doit arrêter d’emprisonner impunément toute voix critique à l’encontre du Parti et du gouvernement.”
Au chapitre de la liberté d’expression, quelques centaines de mots sur un total de 14 000. La question de la liberté de la presse et d’expression n’y est abordée que par le biais de statistiques : “
La liberté d’expression est mieux protégée. En 2014, la Chine a publié 64,5 milliards de journaux, 3,2 milliards de périodiques et 8,4 milliards de livres, avec 6,12 copies par personne.” Tels sont les indicateurs d’amélioration de la liberté de l’information si l’on en croit le rapport. “
A la fin 2014, le nombre d’internautes en Chine était de 650 millions et le taux de pénétration du Net était de 47,9 %”, peut-on encore y lire.
En fin de paragraphe, trois phrases semblent s’intéresser à des indicateurs qualitatifs, mais ne sont en fait qu’une succession d’affirmations sans fondement d’une réalité imaginée par les auteurs du rapport. “
Le public peut donner ses opinions et émettre des critiques et des suggestions librement à travers les médias d’information et discuter des problèmes du pays et de la société. Le gouvernement encourage les entreprises à fournir des services en ligne en accord avec la loi afin de créer un bon environnement pour que le public acquiert et échange des informations. Un cyberespace plus propre devient de plus en plus important pour que le public obtienne des informations et fasse entendre sa voix.”
En 2014, le gouvernement a renforcé son emprise sur les médias, comme en témoigne la publication de
règles interdisant notamment aux journalistes d’“émettre des critiques non autorisées”. Les emprisonnements de célèbres figures du journalisme et de militants reconnus des droits de l’homme se sont multipliés. Ainsi, la journaliste
Gao Yu, le cyberdissident
Xu Zhiyong et le blogueur ouïghour
Ilham Tohti ont-ils rejoint la centaine de journalistes et de net-citoyens actuellement emprisonnés dans le pays. En Chine, les “
aveux” forcés sont monnaie courante. Gao Yu et le reporter
Xiang Nanfu ont été contraints de se livrer à ces “autocritiques” télévisées en mai 2014.
Pionnier de la
censure du Net, le régime a continué de déployer des efforts considérables afin d’asseoir son contrôle sur la Toile. Le mouvement pro-démocratie “
Occupy Central” à Hong Kong, tout comme la
commémoration des 25 ans du massacre de Tian’anmen, ont fait l’objet de blackouts savamment orchestrés, sous la forme de censure, blocages et manipulation de l’information. A l’image de 64Tianwang, les sites d’information indépendants sont régulièrement la proie de cyberattaques par des hackers au service du Parti.
La Chine, qui demeure la plus grande prison du monde pour les acteurs de l'information, est 176e sur 180 pays dans le
Classement mondial de la liberté de la presse 2015, établi par RSF.