Burundi : RSF demande la libération de quatre journalistes arrêtés en plein reportage

Reporters sans frontières (RSF) condamne l’arrestation de quatre journalistes et de leur chauffeur travaillant pour un média indépendant alors qu’ils enquêtaient sur des affrontements armés et demande aux autorités burundaises de les libérer sans délai.

Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Térence Mpozenzi, Egide Harerimana, journalistes pour Iwacu, l’un des rares médias indépendants encore présents au Burundi, et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza, ont été arrêtés mardi 22 octobre à Musigati dans le nord ouest du pays. L’équipe de reporters était venue couvrir l’incursion d’un groupe de rebelles burundais basé dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et opposé au régime du président Pierre Nkurunziza. L’attaque surprise, lancée le même matin par une centaine de combattants, a fait au moins 14 morts du côté des rebelles et une dizaine de membres des forces de sécurités d’après les bilans donnés par les deux camps. 


Selon les informations obtenues par RSF auprès de plusieurs sources, les journalistes ont été arrêtés à la mi-journée alors qu’ils étaient en train de recueillir des témoignages d’habitants qui fuyaient les combats. Ils ont ensuite été interrogés par la police judiciaire puis par le chef des renseignements de la région au commissariat provincial de Bubanza. Deux de leurs portables ont été confisqués. Aucune charge n’a officiellement été retenue contre eux.


“Ces journalistes n’ont rien fait d’autre que leur travail en allant vérifier sur place les informations qui faisaient état d’affrontements armés, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique. En arrêtant ces reporters pour tenter de passer sous silence une actualité dérangeante, les autorités burundaises vont au contraire jeter la lumière sur le sort de ces journalistes détenus arbitrairement et sur les événements qu’ils étaient venus couvrir. Nous les exhortons à les libérer sans délai, à restituer leur matériel et à ne pas les associer à des protagonistes d’une actualité dont ils n’ont été que les témoins.”


La forêt primaire de Kibira qui se trouve dans la région et qui constitue la plus grande réserve naturelle du pays est connue pour abriter des groupes rebelles burundais. Il est particulièrement difficile pour les journalistes burundais de traiter de ces sujets alors que le régime du président Pierre Nkurunziza ne laisse aucun place aux informations susceptibles de porter atteinte à ses intérêts. 


En 2015, l’annonce puis la réélection du chef de l’Etat pour un troisième mandat a plongé le Burundi dans l’une des pires crises de son histoire. Au moins 1200 personnes ont été tuées en quelques semaines lors des protestations qui ont émaillé le processus électoral selon la Cour pénale internationale. 


Le paysage médiatique s’est considérablement appauvri. Des radios ont été brûlées, des dizaines de journalistes se sont exilés et les médias qui tentent de faire survivre une information indépendante sont sous pression permanente quand ils ne sont pas interdits. 


En juillet, la BBC a décidé de fermer son bureau dans la capitale Bujumbura faute d’avoir pu trouver un accord pour faire lever sa suspension après la diffusion d’une enquête révélant l’usage de la torture par des agents de renseignement dans des centres de détention secrets. Voice of America fait toujours l’objet d’une suspension prolongée sine die depuis le mois de mars. Quant à Iwacu, le Conseil national de la communication l’a récemment accusé de “déséquilibre et calomnie”. Le site  du journal est régulièrement bloqué par les autorités, nécessitant l’intervention de RSF. L’un des journalistes de la rédaction, Jean Bigirirmana a été enlevé il y a plus de trois ans par les services de renseignements sans qu’aucune information ne soit donnée par les autorités. RSF continue à demander des analyses ADN sur les deux corps retrouvés dans les semaines qui ont suivi la disparition du reporter. 


Le verrouillage du paysage médiatique est tel que RSF avait récemment alerté sur le risque de disparition de toute forme de journalisme indépendant à moins d’un an de l’élection présidentielle prévue le 20 mai 2020.


Le Burundi occupe la 159e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.

Publié le
Updated on 24.10.2019