Brouillage et censure : la liberté de la presse se dégrade nettement

Reporters sans frontières dresse le bilan des atteintes à la liberté d'expression perpétrées depuis juillet. L'organisation s'inquiète de nouvelles mesures qui censurent les sites Internet burundais et demande aux autorités de ne rien faire contre les radios privées.

Reporters sans frontières s'inquiète de la dégradation de la situation de la liberté de la presse au Burundi. "Depuis un mois, les autorités ne cessent de prendre des mesures restrictives qui menacent sérieusement la presse indépendante. Même Internet est désormais étroitement surveillé par le gouvernement. Cela commence à ressembler à un véritable harcèlement", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Les radios burundaises sont sans doute les plus dynamiques et les plus professionnelles de la région et leur disparition ou leur affaiblissement serait un véritable retour en arrière pour le Burundi. Nous espérons que les autorités en sont conscientes et ne feront rien qui puisse leur porter gravement atteinte", a ajouté le secrétaire général. Le 28 août 2002, la station privée Radio publique africaine (RPA) a annoncé la suspension de toutes ses émissions pour protester contre le brouillage opéré par les autorités. Selon la radio, l'Agence de régulation et de contrôle des télécommunications (ARCT), qui dépend du ministère de la Défense nationale, brouille les programmes de la RPA, notamment ses journaux d'informations. Le directeur de l'ARCT, le colonel Nestor Misigaro a reconnu avoir pris cette mesure "pour demander aux propriétaires de s'acquitter de leurs redevances". Plusieurs stations, dont la radio nationale, n'ont pas payé leurs licences d'exploitation annuelles. "Ce paiement est un prétexte", a affirmé le directeur de la RPA, alexis Sinduhije. "Toutes les radios doivent de l'argent à l'agence et on brouille uniquement la RPA", a-t-il ajouté. Les sommes demandées - 5 000 dollars par an pour une radio privée commerciale - sont jugées excessives par l'ensemble de la profession. Deux jours plus tôt, le Conseil national de la communication (CNC) avait interdit aux sites Internet des médias burundais d'héberger "des documents ou autres communiqués d'organisations politiques faisant la propagande de la haine et de la violence". Cette mesure vise notamment le site Rugamba, de l'agence Net Press, dont une rubrique publie des communiqués de mouvements d'opposition. Le CNC a menacé de fermer l'agence Net Press si le site Rugamba ne cesse pas "tout reproduction de document ou déclaration (…) portant atteinte à la paix et à la sécurité publique". Par ailleurs, le 30 juillet, le CNC avait interdit la publication du bimensuel Panafrika suite à la "parution d'un numéro extrémiste et subversif". Dans le numéro 57 du magazine figurait une interview de l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Mathias Hitimana, récemment limogé par le chef de l'Etat. Intitulée "Buyoya veut nous enterrer vivants", l'interview critiquait sévèrement "l'arbitraire et les méthodes dictatoriales" du président de la République. L'Association burundaise des journalistes (ABJ) avait dénoncé cette décision, expliquant que la suspension d'une publication est normalement une prérogative du ministère de la Communication et non du CNC. Enfin, le 22 juillet, le gouvernement avait interdit la publication ou la diffusion d'informations sur des soldats tués par des rebelles. "Ces informations ne peuvent qu'aider les rebelles", avait déclaré le porte-parole de l'armée. Le ministre des Affaires internes, Salvator Ntihabose, avait ajouté que les journalistes devaient "choisir entre les rebelles ou le gouvernement et l'armée".
Publié le
Updated on 20.01.2016