Bien qu’à l’état de projet, la “2002 Proclamation on Telecom Fraud Offences” suscite l’inquiétude
Organisation :
Reporters sans frontières tient à rectifier l’information, publiée sur son site, le 7 juin dernier, selon laquelle la “2002 Proclamation on Telecom Fraud Offences” avait été ratifiée par les autorités éthiopiennes. Ce texte n’a, en réalité, pas encore été adopté malgré ce qui avait été annoncé à l’agenda de la session du 24 mai 2012 du Parlement éthiopien : “Examiner et Adopter une Proclamation sur les délits de fraude des Télécommunications”. Plus de 99 % des parlementaires sont membres du parti au pouvoir. Le projet de loi aurait été préparé par l’Information Network Security Agency (INSA), et transmis, le 24 mai, au Comité des Affaires technologiques, de la Communication et des Sciences.
La position du gouvernement éthiopien
Un porte-parole du gouvernement, Shimeles Kemal, a déclaré à un représentant de Reporters sans frontières, le 29 juin dernier, que ce projet de loi répond à la nécessité impérieuse de prendre en compte “les progrès technologiques et la progression alarmante des services téléphoniques illégaux qui contournent le réseau national, provoquant la pertes de recettes, ainsi que des risques pour la sécurité nationale”. Il a ensuite souligné que son gouvernement souhaite créer non pas de nouvelles infractions, mais plutôt répliquer à des activités frauduleuses liées aux télécommunications et qui pourraient ne pas avoir été traitées dans le cadre des lois en vigueur dans le pays. “Il est totalement erroné de penser que cette loi est destinée à réguler le contenu des médias”, a expliqué Shimeles Kemal. Ce projet de loi “doit être considéré comme un cadre légal qui répond aux sérieux problèmes de sécurité nationale mis en évidence par le fusionnement de plus en plus important entre les services de télécommunications et Internet. La question du contenu concerne nos lois sur les médias”. “La loi n’a jamais eu pour but de criminaliser l’utilisation de services de VoIP tels que Skype ou d’autres”, a-t-il précisé à Reporters sans frontières. “Elle n’est pas non plus destinée à restreindre tout service de voix sur Internet qui se produit entre des ordinateurs, d’un ordinateur à un téléphone, ou d’un téléphone basé sur Internet vers des services de téléphonie. Si tel avait été le cas, l’autorité compétente aurait pu utiliser des lois existantes pour interdire la VoIP et poursuivre les utilisateurs en justice”. En effet, Reporters sans frontières rappelle que la Proclamation N°281 de 2002, “Proclamation to Provide for the Amendment of Telecommunications Proclamation”, constitue un danger pour les utilisateurs de VoIP. L’amendement n°11 rend les communications vocales ou par fax via Internet illégales et punissables d’une amende et d’une peine de prison pouvant atteindre 5 ans. A notre connaissance, aucun cas de condamnation en vertu de cette loi n’a été noté à ce jour. Inquiétudes persistantes
Reporters sans frontières estime que la formulation du projet de loi, en l’état, est démesurément floue, et peut tout de même être interprétée de manière à restreindre drastiquement l’utilisation de la VoIP afin de garantir le monopole de la compagnie d’Etat, Ethio-Telecom, et ses revenus. La loi pénale doit être précise, ainsi que son interprétation. Le passif de la justice éthiopienne sur les questions liées à la liberté d’expression nous incite à la plus grande prudence. Le projet de loi dans sa forme actuelle emploie des termes trop vagues qui pourraient avoir de graves conséquences sur la manière dont journalistes et dissidents utilisent les communications sur le web, sur les risques de surveillance de ceux-ci, ainsi que sur les risques légaux qu’ils encourent. En particulier, la définition actuelle des services et équipements de télécommunication pourrait même inclure des plate-formes de blogs et les réseaux sociaux, comme le souligne le site OWNI. Les risques pour les individus ne peuvent être minimisés. L’article 5 de la deuxième partie du texte, sur les “délits liés à l’interception et à l’accès” prévoit jusqu’à quinze ans de prison ainsi qu’une amende pour quiconque “obtient illégalement l’accès à tout système de télécommunications” sans “autorisation du fournisseur d’accès, de l’utilisateur légalement autorisé, ou tout autre autorité compétente”. Par ailleurs, en vertu de l’article 6 de la deuxième partie du projet de loi, des internautes adeptes de VoIP pourraient écoper d’une peine allant jusqu’à huit ans de prison, pour l’utilisation de l’infrastructure des télécommunications pour la diffusion de messages jugés “terroristes” ou “obscènes”, ou bien à des “fins illégales”. Ces termes, extrêmement vagues suscitent l’inquiétude. (voir Part Two - article 6 : “Whosoever: 1/ “uses or causes the use of any telecommunications network or apparatus to disseminate any terrorizing message connected with a crime punishable under the Anti-Terrorism Proclamation No. 652/2009 or obscene message punishable under the Criminal Code; or 2/ uses or causes the use of the telecommunication service or infrastructure provided by the telecommunication service provider for any other illegal purpose; commits an offence and shall (...) be punishable with rigorous imprisonment from 3 to 8 years and with fine...”) La loi anti-terroriste de 2009, interprétée de manière très large, a déjà valu à des journalistes d’être arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison. La fourniture, sans qu’il ne soit précisé dans le texte si elle est à titre gracieux ou onéreux, et l’utilisation de services de voix sur IP par Internet, même “par négligence”, sont passibles, (criminalisé) en vertu de l’article 10, alinéa 4, (qui prévoit jusqu’à) de deux ans de prison. 3/ Whosoever provides telephone call or fax services through the internet commits an offence and shall be punishable with rigorous imprisonment from 3 to 8 years and with fine”.... 4/ Whosoever intentionally or by negligence obtains the service stipulated under sub-article (3) of this Article commits an offence and shall be punishable with imprisonment from 3 months to 2 years and with fine”.... Cette disposition pourrait avoir des conséquences sur les cybercafés et leurs clients. Les cybercafés sont le principal lieu de connexion pour les Ethiopiens. Le taux de connection du pays, très faible, tourne autour de 0,7 %. Toute mesure visant à restreindre l’utilisation de la VoIP dans les cybercafés affecterait un nombre conséquent d’internautes éthiopiens. En outre, les risques de surveillance sont réels. Dans le cadre de l’article 14 de ce projet, les pouvoirs des forces de police sont larges puisque “un officier de police peut demander à la cour, par écrit, d’obtenir un mandat de perquisition secret” quand il a “des raisons plausibles de croire qu’un délit de fraude à été commis ou risque de se commettre”. Parmi les preuves recevables en cas de délits de fraude, sont notamment citées : des “preuves réunies grâce à de l’interception et de la surveillance”. Le ministère de l’Information disposerait d’un pouvoir démesuré puisque le principe serait désormais d’obtenir son autorisation pour “détenir ou utiliser du matériel de communication”. Les cas où cette autorisation n’est pas nécessaire sont l’exception. (3.3 - 2e partie du projet de loi). On peut enfin noter et déplorer que ce texte ne soit accompagné d’aucune clause de sauvegarde excluant explicitement l’utilisation des VoIP et garantissant clairement la liberté d’expression et de diffusion de l’information sur le Web. Prochaine étape : des discussions ? En vertu de son rôle de vigilance quant aux dérives possibles de projets de loi vis-à-vis de la liberté d’information, Reporters sans frontières demande donc aux autorités éthiopiennes de ne pas adopter ce texte en l’état. L’organisation se dit prête à des consultations avec ces dernières pour préciser les formulations trop larges et assurer la protection du droit fondamental de chacun à communiquer tout en prenant en compte les inquiétudes du gouvernement quant aux questions liées à la cybersécurité. Shimeles Kemal a réitéré auprès du représentant de Reporters sans frontières, le 29 juin dernier, la volonté du gouvernement éthiopien de travailler avec des organisations internationales qui puissent apporter une expertise technique et des recommandations sur la liberté d’information et tout projet de loi en lien avec cette dernière afin de respecter les meilleurs standards internationaux et pratiques dans ce cadre législatif. “Nous avons travaillé dans le passé avec des organisations internationales et nous accueillons favorablement toutes discussions et consultations destinées à promouvoir et à protéger le droit à l’information et le développement des médias dans ce cadre” a-t-il déclaré. Et de préciser : “C’est notre volonté alors que nous travaillons avec diligence pour traiter les régler les défaillances qui affaiblissent nos intérêts nationaux et notre sécurité.”
Un porte-parole du gouvernement, Shimeles Kemal, a déclaré à un représentant de Reporters sans frontières, le 29 juin dernier, que ce projet de loi répond à la nécessité impérieuse de prendre en compte “les progrès technologiques et la progression alarmante des services téléphoniques illégaux qui contournent le réseau national, provoquant la pertes de recettes, ainsi que des risques pour la sécurité nationale”. Il a ensuite souligné que son gouvernement souhaite créer non pas de nouvelles infractions, mais plutôt répliquer à des activités frauduleuses liées aux télécommunications et qui pourraient ne pas avoir été traitées dans le cadre des lois en vigueur dans le pays. “Il est totalement erroné de penser que cette loi est destinée à réguler le contenu des médias”, a expliqué Shimeles Kemal. Ce projet de loi “doit être considéré comme un cadre légal qui répond aux sérieux problèmes de sécurité nationale mis en évidence par le fusionnement de plus en plus important entre les services de télécommunications et Internet. La question du contenu concerne nos lois sur les médias”. “La loi n’a jamais eu pour but de criminaliser l’utilisation de services de VoIP tels que Skype ou d’autres”, a-t-il précisé à Reporters sans frontières. “Elle n’est pas non plus destinée à restreindre tout service de voix sur Internet qui se produit entre des ordinateurs, d’un ordinateur à un téléphone, ou d’un téléphone basé sur Internet vers des services de téléphonie. Si tel avait été le cas, l’autorité compétente aurait pu utiliser des lois existantes pour interdire la VoIP et poursuivre les utilisateurs en justice”. En effet, Reporters sans frontières rappelle que la Proclamation N°281 de 2002, “Proclamation to Provide for the Amendment of Telecommunications Proclamation”, constitue un danger pour les utilisateurs de VoIP. L’amendement n°11 rend les communications vocales ou par fax via Internet illégales et punissables d’une amende et d’une peine de prison pouvant atteindre 5 ans. A notre connaissance, aucun cas de condamnation en vertu de cette loi n’a été noté à ce jour. Inquiétudes persistantes
Reporters sans frontières estime que la formulation du projet de loi, en l’état, est démesurément floue, et peut tout de même être interprétée de manière à restreindre drastiquement l’utilisation de la VoIP afin de garantir le monopole de la compagnie d’Etat, Ethio-Telecom, et ses revenus. La loi pénale doit être précise, ainsi que son interprétation. Le passif de la justice éthiopienne sur les questions liées à la liberté d’expression nous incite à la plus grande prudence. Le projet de loi dans sa forme actuelle emploie des termes trop vagues qui pourraient avoir de graves conséquences sur la manière dont journalistes et dissidents utilisent les communications sur le web, sur les risques de surveillance de ceux-ci, ainsi que sur les risques légaux qu’ils encourent. En particulier, la définition actuelle des services et équipements de télécommunication pourrait même inclure des plate-formes de blogs et les réseaux sociaux, comme le souligne le site OWNI. Les risques pour les individus ne peuvent être minimisés. L’article 5 de la deuxième partie du texte, sur les “délits liés à l’interception et à l’accès” prévoit jusqu’à quinze ans de prison ainsi qu’une amende pour quiconque “obtient illégalement l’accès à tout système de télécommunications” sans “autorisation du fournisseur d’accès, de l’utilisateur légalement autorisé, ou tout autre autorité compétente”. Par ailleurs, en vertu de l’article 6 de la deuxième partie du projet de loi, des internautes adeptes de VoIP pourraient écoper d’une peine allant jusqu’à huit ans de prison, pour l’utilisation de l’infrastructure des télécommunications pour la diffusion de messages jugés “terroristes” ou “obscènes”, ou bien à des “fins illégales”. Ces termes, extrêmement vagues suscitent l’inquiétude. (voir Part Two - article 6 : “Whosoever: 1/ “uses or causes the use of any telecommunications network or apparatus to disseminate any terrorizing message connected with a crime punishable under the Anti-Terrorism Proclamation No. 652/2009 or obscene message punishable under the Criminal Code; or 2/ uses or causes the use of the telecommunication service or infrastructure provided by the telecommunication service provider for any other illegal purpose; commits an offence and shall (...) be punishable with rigorous imprisonment from 3 to 8 years and with fine...”) La loi anti-terroriste de 2009, interprétée de manière très large, a déjà valu à des journalistes d’être arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison. La fourniture, sans qu’il ne soit précisé dans le texte si elle est à titre gracieux ou onéreux, et l’utilisation de services de voix sur IP par Internet, même “par négligence”, sont passibles, (criminalisé) en vertu de l’article 10, alinéa 4, (qui prévoit jusqu’à) de deux ans de prison. 3/ Whosoever provides telephone call or fax services through the internet commits an offence and shall be punishable with rigorous imprisonment from 3 to 8 years and with fine”.... 4/ Whosoever intentionally or by negligence obtains the service stipulated under sub-article (3) of this Article commits an offence and shall be punishable with imprisonment from 3 months to 2 years and with fine”.... Cette disposition pourrait avoir des conséquences sur les cybercafés et leurs clients. Les cybercafés sont le principal lieu de connexion pour les Ethiopiens. Le taux de connection du pays, très faible, tourne autour de 0,7 %. Toute mesure visant à restreindre l’utilisation de la VoIP dans les cybercafés affecterait un nombre conséquent d’internautes éthiopiens. En outre, les risques de surveillance sont réels. Dans le cadre de l’article 14 de ce projet, les pouvoirs des forces de police sont larges puisque “un officier de police peut demander à la cour, par écrit, d’obtenir un mandat de perquisition secret” quand il a “des raisons plausibles de croire qu’un délit de fraude à été commis ou risque de se commettre”. Parmi les preuves recevables en cas de délits de fraude, sont notamment citées : des “preuves réunies grâce à de l’interception et de la surveillance”. Le ministère de l’Information disposerait d’un pouvoir démesuré puisque le principe serait désormais d’obtenir son autorisation pour “détenir ou utiliser du matériel de communication”. Les cas où cette autorisation n’est pas nécessaire sont l’exception. (3.3 - 2e partie du projet de loi). On peut enfin noter et déplorer que ce texte ne soit accompagné d’aucune clause de sauvegarde excluant explicitement l’utilisation des VoIP et garantissant clairement la liberté d’expression et de diffusion de l’information sur le Web. Prochaine étape : des discussions ? En vertu de son rôle de vigilance quant aux dérives possibles de projets de loi vis-à-vis de la liberté d’information, Reporters sans frontières demande donc aux autorités éthiopiennes de ne pas adopter ce texte en l’état. L’organisation se dit prête à des consultations avec ces dernières pour préciser les formulations trop larges et assurer la protection du droit fondamental de chacun à communiquer tout en prenant en compte les inquiétudes du gouvernement quant aux questions liées à la cybersécurité. Shimeles Kemal a réitéré auprès du représentant de Reporters sans frontières, le 29 juin dernier, la volonté du gouvernement éthiopien de travailler avec des organisations internationales qui puissent apporter une expertise technique et des recommandations sur la liberté d’information et tout projet de loi en lien avec cette dernière afin de respecter les meilleurs standards internationaux et pratiques dans ce cadre législatif. “Nous avons travaillé dans le passé avec des organisations internationales et nous accueillons favorablement toutes discussions et consultations destinées à promouvoir et à protéger le droit à l’information et le développement des médias dans ce cadre” a-t-il déclaré. Et de préciser : “C’est notre volonté alors que nous travaillons avec diligence pour traiter les régler les défaillances qui affaiblissent nos intérêts nationaux et notre sécurité.”
Publié le
Updated on
20.01.2016