Audition sur le “secret des affaires”: RSF demande la protection des journalistes contre les procédures bâillons
Auditionné à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi “sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites”, Reporters sans frontières (RSF) demande une loi pour lutter contre les procédures-bâillons.
Le responsable du comité juridique de RSF, Paul Coppin, a été auditionné lundi 12 mars à l’Assemblée nationale par le rapporteur de la proposition de loi “sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites”. Cette audition a été l’occasion pour l’organisation de défense du journalisme de rappeler ses positions et notamment d’expliquer la nécessité d’adopter une loi pour lutter contre les procédures-bâillons et limiter de possibles dérives du texte.
La directive sur le secret des affaires, adoptée par l’Union européenne en juin 2016, doit à présent être transposée en France. Cette transposition est l’objet de la proposition de loi à propos de laquelle RSF était aujourd’hui auditionnée. Au moment de sa négociation au niveau européen, ce texte avait provoqué de sérieuses inquiétudes des journalistes sur leur capacité à enquêter sur le monde des affaires et de l’entreprise. RSF avait plaidé pour (et obtenu) l’adoption d’une exception “pour exercer le droit à la liberté d’expression et d’information établi dans la charte, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias”. Au terme de la directive, des journalistes ne pourront pas être condamnés pour avoir obtenu ou divulgué un secret d’affaire dans le cadre de leur activité - ce qui était l’objectif premier de RSF. La loi de transposition devra respecter cette disposition.
Cependant, et c’était l’objet principal des observations formulées par RSF au rapporteur du texte, le député Raphaël Gauvain, ce texte ouvre la possibilité que des journalistes soient accusés et poursuivis sur son fondement par des personnes qui cherchent à harceler et intimider le journaliste plus qu’à le faire condamner en justice. Dans un contexte où se multiplient de type de procédures abusives contre les journalistes, procédures qui n’ont d’autre objet que de les intimider et les dissuader de poursuivre leurs enquêtes face à la menace de dommages et intérêts conséquents, la proposition de loi offre un nouvel outil à disposition des entreprises qui voudraient empêcher la publication d’informations confidentielles sur leurs pratiques peu scrupuleuses. Il est donc essentiel qu’un texte soit adopté sans délai pour limiter et sanctionner les procédures abusives qui n’ont d’autre objet que de réduire les journalistes au silence, sur le modèle de ce qui existe au Québec ou en Grande-Bretagne. Ce texte, qui doit être élaboré comme le pendant de la proposition de loi, doit être une priorité de la présente législature.