Annonce de la libération prochaine de prisonniers politiques cubains : un signe d’ouverture ?

Reporters sans frontière prend note de l’annonce de la libération de prisonniers politiques cubains, intervenue suite à la visite à Cuba du ministre des Affaires étrangères espagnol Miguel Angel Moratinos. Le cardinal de l’Église catholique de Cuba, Jaime Ortega, ‘‘médiateur’’ dans cette affaire, a en effet annoncé au cours d’une rencontre entre le président Raúl Castro et le chef de la diplomatie espagnole que le gouvernement cubain libérerait dans les prochains mois 52 prisonniers politiques, dont cinq de manière imminente. Reporters sans frontières prend acte de ces déclarations. Elles marquent une avancée positive, mais ne doivent pas occulter la tragique réalité de la situation des droits de l’homme à Cuba. Il était temps que le gouvernement cubain reconnaisse, à travers ces libérations, l’injustice de tels emprisonnements et nous espérons que le processus de négociation amorcé par l’Église cubaine permettra au régime castriste d’honorer pleinement ses engagements en matière de droits de l’homme. Parmi les cinq prisonniers devant être libérés dans les prochains jours, on compte deux journalistes José Luis García Paneque, Pablo Pacheco Avila, arrêtés en 2003. Les trois autres prisonniers, Lester Luis González Pentón, Antonio Villareal et Luis Milán Fernández, ainsi que nos deux confrères, seront directement envoyés en Espagne avec leurs familles à leur sortie de prison. Nous tenons à rappeler que cet ‘‘exil’’ en Espagne ne peut constituer une solution humaine et politique satisfaisante et que la libération des prisonniers de conscience doit s’accompagner de la reconnaissance de leur droit à vivre dans leur pays et à défendre leurs opinions ouvertement. Une étape que, nous le craignons, le régime cubain n’est pas près à franchir. Voir le témoignage de Alejandro González Raga, journaliste indépendant de l’agence de presse de Camagüey (Centre), libéré en février 2008 après cinq années de détention . L’annonce de ces libérations est intervenue quelques jours après qu’il a été fait état de la dégradation de l’état de santé du cyberjournaliste et psychologue de formation, Guillermo Fariñas en grève de la faim pour demander la libération des prisonniers de conscience cubain. L’opposant politique, directeur de l’agence illégale Cubana Press a déclaré hier qu’il avait cessé sa grève de la faim après 135 jours de jeûne, ce que nous explique sa femme Clara Pérez, dans une interview avec la radio espagnol Rádio Nou, accordée en collaboration avec la Maria Dolores Masana, présidente de la section espagnole de Reporters sans frontières. Le cyberjournaliste avait entamé son 23e jeûne au lendemain de la mort en détention du prisonnier de conscience Orlando Zapata Tamayo, le 23 février 2010. Dans un état de santé très critique, il se disait ‘‘prêt à mourir‘’’ pour que les libertés d’expressions, d’information et d’opinion soient enfin des droits reconnus par les autorités cubaines. ‘‘Je suis conscient de ma mort prochaine et je la considère comme un honneur car j’ai essayé de sauver la vie de vingt-cinq prisonniers politiques’’, avait-il déclaré depuis l’unité de soins intensif de l’hôpital de Santa Clara où il est hospitalisé. Reporters sans frontières avait à plusieurs reprises invité Guillermo Fariñas à cesser cette grève de la faim mettant gravement sa vie en péril et c’est avec joie que nous apprenons son terme. Le pays compte cent-soixante-sept personnes privées de liberté pour le simple fait de penser et de s’exprimer différemment de leur dirigeants. Parmi ces opposants, cinquante-trois sont considérés comme des prisonniers de conscience par l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International dont vingt-cinq d’entre eux sont des journalistes, blogueurs où intellectuels, condamnés en 2003 lors du ‘‘Printemps noir’’ parmi lesquels notre correspondant Ricardo González Alfonso, dont nous réitérons notre appel à sa libération immédiate. Reporters sans frontières appelle la nouvelle présidence belge de l’Union européenne à poursuivre les efforts initiés par la présidence espagnole dans le cadre d’un dialogue plus poussé avec le régime cubain. Nous appelons également la communauté des pays d’Amérique latine à réagir et à intervenir auprès du régime castriste afin qu’elle rappelle à Cuba ses engagements et ses devoirs en matière des droits de l’homme. Nous espérons avec ces libérations, les plus importantes depuis que Raul Castro est arrivé au pouvoir il y a quatre ans, qu’il sera mis un terme dans un avenir proche à une situation qui ne peut plus être tolérée. Rien ne justifie en effet qu’un régime en place interdise à sa population d’accéder librement à l’information ou de voyager sans autorisation. Rien ne justifie qu’un opposant trouvant le courage de dénoncer ces réalités soit menacé, arrêté ou emprisonné.
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Updated on 20.01.2016