Affaire Julio Ernesto Alvarado : un sérieux revers pour la liberté d’information et la CIDH
RSF et PEN International condamnent le non-respect par la Cour suprême hondurienne des directives de la Commission Inter-américane des droits de l’homme (CIDH) qui protègent le droit d’exercer du journaliste Julio Ernesto Alvarado. Le derniers recours du journaliste de Radio Globo y TV a été rejeté par la justice hondurienne, vendredi 4 septembre, créant un précédent funeste pour la liberté d'expression et d’information dans le pays.
La Cour suprême du Honduras a rejeté le recours d’amparo déposé par Julio Ernesto Alvarado en octobre 2014 - ultime injustice dans un procès fleuve pour diffamation contre le journaliste de Radio Globo y TV. La Commission inter-américaine des droits de l’homme (CIDH) avait pourtant accordé en novembre 2014 des mesures préventives à Alvarado et ordonné la suspension de la décision de justice hondurienne contre le journaliste le temps de l’étude de son cas. C’est la première fois que la CIDH suspendait un jugement d’interdiction d’exercer pour un journaliste, envoyant un message fort aux gouvernements de la région.
Ces mesures préventives n’avaient pas été respectées par la justice hondurienne, qui avait notifié quelques semaines plus tard à Alvarado l’interdiction d’exercer pendant 16 mois. Elles avaient cependant permis au journaliste de poursuivre son activité professionnelle le temps de l’examen du dossier par la CIDH. Le fait que la Cour suprême ait décidé de se prononcer ce 4 septembre constitue un nouveau pied de nez à l’organisation du pacte de San José. Il n’y a plus de recours possible au niveau national pour lutter contre cette suspension, et c’est désormais à la CIDH d’agir pour pousser le gouvernement hondurien à respecter les mesures prévues.
« Reporters sans frontières (RSF) proteste contre cette décision de la Cour suprême hondurienne, déclare Emmanuel Colombié, responsable du bureau Amérique latine de RSF. Nous demandons que Julio Ernesto Alvarado soit exempté de toutes les charges retenues contre lui. Ce recours judiciaire créé un précédent funeste pour la liberté d’information dans le pays, et va à l’encontre des demandes de la CIDH, que les autorités honduriennes se doivent de respecter. Ce procès fleuve est une mascarade et un outil de répression contre le journaliste d’un des médias critiques les plus écoutés du pays. »
Depuis 2013, Alvarado est poursuivi pour diffamation suite à la plainte déposée en 2006 par l’ancienne doyenne de l’Université nationale des sciences économiques du Honduras, Belinda Flores Mendoza. Celle-ci lui reproche d’avoir diffusé dans son programme « Mi Nacion », sur Globo TV, des informations concernant des charges portées à son encontre par la Cour suprême. Ces poursuites judiciaires s’ajoutent à de nombreux actes d’intimidations à l’encontre du journaliste. Objet d’inquiétantes mesures de surveillance depuis 2012, Alvarado avait décidé en 2013 d’arrêter son émission “Medianoche” après avoir reçu des menaces constantes pendant plus d’un an.
"Soyons clairs. Le Honduras s’est légalement engagé à traiter les décisions de la Commission inter-américaine des droits de l’homme comme sa dernière cour d’appel. Il doit respecter son propre engagement juridique. La décision de la Cour suprême sur le cas de Julio Ernesto Alvarado n’est donc pas valide.", analyse John Ralston Saul, Président international de PEN International.
L’acharnement judiciaire contre Julio Alvarado reflète les pressions subies par l’ensemble des journalistes critiques et les médias d’opposition dans le pays. Radio Globo y TV est dans le collimateur des autorités depuis le coup d’Etat de 2009. Depuis 2011, cinq collaborateurs de la radio ont été assassinés sans que les autorités ne mènent la moindre enquête approfondie. Cette impunité est l'un des facteurs clés de la violence contre les journalistes.
Le Honduras est classé à la 132e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en février 2015.