Slovaquie : vives inquiétudes autour de la réforme du code de la presse

Un projet d’amendement du code de la presse slovaque envisage d’élargir le champ du droit de réponse aux personnalités politiques slovaques en leur donnant la possibilité de l’exercer même si les faits sont avérés et vérifiés. Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète d’une mesure susceptible d‘entraver la liberté de l’information.


Le parlement slovaque étudie actuellement un projet de loi visant à étendre le droit de réponse aux politiciens qui affirment que leur honneur ou leur réputation ont été ternis dans les médias. Ils sont actuellement exclus du champ du droit de réponse mais peuvent demander une rectification quand des faits “faux ou mensongers” ont été publiés.


Ce durcissement leur permettrait désormais d’avoir recours au droit de réponse même si les faits publiés sont véridiques dès lors qu’ils s’estiment lésés. Cela s’explique par la volonté du parti au pouvoir Smer-SD de donner à la classe politique un outil efficace pour se défendre contre ce qu’elle appelle la “terreur médiatique”.

 

“Vous êtes un danger énorme pour le développement démocratique de la République slovaque," a lancé l’ancien Premier ministre slovaque Robert Fico et actuel chef du parti Smer-SD à des journalistes le 21 mars dernier, allant jusqu’à menacer de poursuites la rédactrice en chef du très sérieux quotidien SME Beata Balogová. En déclarant “une guerre” aux journalistes, il a aussi annoncé la mise en place d'une équipe juridique au sein de son parti chargée de veiller sur les médias. L’ancien Premier ministre, déboulonné après la mort du journaliste d’investigation Jan Kuciak il y a un an, est coutumier des attaques contre les médias et s’est tristement illustré en qualifiant les reporters de sales prostituées anti-slovaques” ou  de “simples hyènes idiotes”.

 

Les médias qui refuseraient de publier un droit de réponse pourraient être condamnés à des dommages et intérêts pouvant aller jusqu’à 5000 euros. Le projet de loi doit être examiné par le parlement slovaque en mai prochain.

 

Qu’un homme politique puisse exercer un droit de réponse lorsqu’il est mis en cause par un média pour présenter sa défense est en soi légitime, déclare Pauline Adès-Mével, responsable de la zone Union européenne-Balkans de RSF. Mais autoriser un politicien à exiger de façon systématique un droit de réponse quand il s’estime lésé et même si les faits sont avérés et vérifiés, ouvre la voie à des dérives. Craignant un usage abusif de ce droit, RSF demande au législateur slovaque de revoir son projet afin qu’il n’entrave pas la liberté d’information, au moment où précisément, les médias révèlent des informations sur le meurtre de Ján Kuciak susceptibles d’ébranler des responsables politiques”.

 

Le choc provoqué par la disparition du journaliste avait laissé espérer un élan de modération des élites politiques dans leur traitement de l’information et des journalistes. Un an plus tard, rien n’a été fait pour améliorer les conditions de travail des journalistes et renforcer la protection de la liberté de la presse en Slovaquie qui occupe aujourd’hui la 27ème place du  Classement mondial de la liberté de la presse, établi par RSF.

 

 

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Mise à jour le 29.03.2019