Lettre ouverte au président tadjik pour la libération de Makhmadyusuf Ismoïlov

Le 7 septembre 2011, Reporters sans frontières et l’Association des médias indépendants du Tadjikistan (NANSMIT) ont adressé une lettre au président de la République du Tadjikistan, M. Emomali Rakhmon. Les deux associations lui ont demandé de garantir le droit à un procès équitable du journaliste Makhmadyusuf Ismoïlov, incarcéré depuis le 23 novembre 2010 en raison de son activité professionnelle, et de faciliter sa libération conditionnelle immédiate.

Monsieur le Président, L’organisation internationale de défense de la liberté de la presse “Reporters sans frontières” et l’Association nationale des médias indépendants du Tajikistan (NANSMIT), souhaitent vous faire part de leur soulagement après la libération provisoire du correspondant de la BBC, Ourinboï Ousmonov. Si vous êtes intervenu en ce sens, nous vous en remercions. Son procès devant la justice est désormais au coeur de notre attention. En cette veille de la Journée internationale de solidarité avec les journalistes, nous souhaitons cependant attirer votre attention sur le cas du journaliste Makhmadyusuf Ismoïlov, maintenu en détention depuis le 23 novembre 2010 dans la région de Sughd, et qui présente quelques similitudes avec celui de M. Ousmonov. En tant que garant de la Constitution et des conventions internationales ratifiées par votre pays, nous vous demandons de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour garantir le respect de la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable de M. Ismoïlov. Makhmadyusuf Ismoïlov est accusé d’”incitation à la haine religieuse et raciale” (article 189 du code pénal), de “chantage” (article 250), de “diffamation” (article 135) et d’”insulte” (article 136) en raison de ses publications sur des faits de corruption au sein de la justice et de l’administration locales, notamment dans le journal Nuri Zindagi. Le tribunal régional de Sughd a ordonné l’incarcération du journaliste durant toute la durée de l’investigation. Mais les plus grands doutes persistent quant à son impartialité, tout comme celle de l’enquête. En effet, l’appareil judiciaire local est juge et partie dans cette affaire, dans la mesure où c’est précisément à lui que s’attaquait M. Ismoilov dans ses articles. C’est pourquoi nous vous demandons d’intercéder auprès de la justice, dans la limite de vos pouvoirs constitutionnels, afin qu’un complément d’enquête soit réalisé et que le procès de M. Ismoilov soit dépaysé et transféré à un tribunal non directement concerné par l’affaire, par exemple à Douchanbé. Par ailleurs, dans le respect de la présomption d’innocence, Makhmadyusuf Ismoïlov doit être remis en liberté provisoire sans délai. En effet, la détention provisoire est une mesure grave qui ne semble guère en proportion avec cette affaire. En l’espèce, le prévenu n’est pas en mesure de faire pression sur les témoins ou de faire disparaître des preuves. L’application de cette mesure de privation de liberté ressemble donc davantage à une vengance personnelle qu’à l’exercice d’une justice impartiale. De part vos fonctions, il est de votre responsabilité de garantir que M. Ismaïlov bénéficie d’un traitement juste et équitable, dans le respect des règles nationales et internationales de justice. En espérant que vous comprendrez toute l’importance de notre requête et que vous lui donnerez une suite positive, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération. Jean-François Julliard, Secrétaire général de Reporters sans frontières Nuriddin Karshiboev, Président de NANSMIT Lire en russe/ Читать по-русски:
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Updated on 20.01.2016