Censure brutale au Tadjikistan : le média indépendant Pamir Daily News déclaré “organisation extrémiste” et interdit

Le média en ligne indépendant Pamir Daily News est désormais officiellement interdit au Tadjikistan. Le journal était l’un des rares à couvrir l’actualité dans la région isolée du Gorno-Badakhshan (GBAO). RSF dénonce une tentative de couper du monde cette province autonome, régulièrement ébranlée par des révoltes contre le régime de Douchanbé.

C’est le 14 juin 2023, que la Cour suprême du Tadjikistan a déclaré le média indépendant Pamir Daily News “organisation extrémiste”, lui interdisant toute activité dans le pays. La décision a été rendue publique et effective le 19 juillet. Dorénavant, la participation ou le simple soutien à une telle organisation exposent à des peines allant de 7 à 21 années de prison selon la législation du pays. Pour la plupart basés à l’étranger, les journalistes du média en ligne, dont le site est désormais bloqué, ont annoncé vouloir continuer à publier sous un autre nom. 

Le média généraliste en langue russe Pamir Daily News traite, depuis 2019, de l’actualité tadjike nationale et locale, pour les habitants du Gorno-Badakhshan, appelé GBAO ou Haut-Badakhchan. Son audimat s’est considérablement élargi grâce à sa couverture unique des violentes révoltes de 2021-2022, dans cette province autonome montagneuse et isolée à l’est du pays. Il est, depuis, la cible du pouvoir qui cherche à le faire taire.

“Le régime d’Emomali Rakhmon ne tolère pas qu’on lui rappelle les crimes qu’il a commis au GBAO. L’interdiction de Pamir Daily News est une nouvelle étape dans la tentative de transformer ‘le toit du monde’ en un gouffre de l’information. RSF appelle la communauté internationale à faire pression sur le Tadjikistan, pour qu’il cesse de bâillonner les journalistes qui mettent en lumière les violations des droits de l’homme dans la région.

Jeanne Cavelier
Responsable du Bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF

Lors des révoltes politiques lancées fin 2021 et matées dans le sang au printemps 2022, les autorités ont coupé Internet pendant de longs mois et les médias nationaux comme Asia-Plus ont dû renoncer à évoquer les évènements suite à des menaces. Le gouvernement tadjik a délibérément usé de tous les moyens pour étouffer toutes images ou preuves des répressions mortelles menées par son armée qui ont coûté la vie à des dizaines de manifestants, notamment parmi la minorité pamirie. Le travail de Pamir Daily News s’est donc avéré vital pour informer la communauté internationale sur les violations des droits de l’homme dans la région. Un travail d’actualité que le média poursuit depuis, avec beaucoup de précautions et en anonymisant les journalistes pour des questions de sécurité.  

À l’instar de Pamir Daily News, les médias et journalistes indépendants sont constamment victimes de persécutions sévères de la part des autorités tadjikes. Le 26 mai dernier, Khurshed Fozilov est devenu le cinquième journaliste condamné à une lourde peine en moins d’un an, en écopant de 7 ans d’emprisonnement, au terme d’un procès inique. Cette dégradation catastrophique de la liberté de la presse transparaît dans le Classement mondial de la liberté de la presse de RSF, où le Tadjikistan, qui est passé à la 153ᵉ place, a rejoint cette année le camp des pays où la situation est jugée “très grave”.

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