Condamnation inchangée pour Asia Plus

Reporters sans frontières dénonce avec la plus grande fermeté le jugement rendu en appel à l’encontre du journal d’opposition, Asia Plus, et de sa rédactrice en chef Olga Toutoubalina, dans l’affaire qui les oppose à trois intellectuels tadjiks le 30 avril 2014. La décision du tribunal rendue en première instance a été confirmée​, ​et la condamnation du journal à verser aux plaignants 30 000 somoni (4500€) de dommages et intérêts pour "outrage à l'intelligentsia" est restée inchangée. RSF soutient sans réserve le recours que les avocats de la journaliste comptent introduire auprès de la Cour suprême du Tadjikistan dés réception officielle du jugement. ------------------------------------------------------------------------------------------------- 08.04.2014 - RSF demande la levée de la condamnation d’Asia Plus L’hebdomadaire Asia Plus et sa rédactrice en chef, Olga Toutoubalina, seront prochainement jugés en appel dans une affaire qui les oppose à trois intellectuels tadjiks. Le 25 février 2014, le journal avait été condamné à verser aux plaignants 30 000 somoni (environ 4 500 euros) de dommages et intérêts pour « outrage à l’intelligentsia », suite à un article paru en mai 2013. « Ce jugement absurde constitue une grave menace pour le journalisme indépendant au Tadjikistan. Si un journal peut être considéré responsable de propos qu’il cite, et si des plaignants peuvent obtenir réparation sans même être explicitement attaqués, alors la liberté d’expression garantie par la Constitution tadjike est vide de sens. Ce verdict politique sonne en réalité comme un nouvel avertissement adressé non seulement à Asia Plus mais à toutes les autres voix critiques », déplore Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières. « Nous demandons à la cour d’appel d’examiner cette affaire en toute impartialité, dans le respect du droit, et de casser ce jugement », ajoute-t-il. Dans son article du 29 mai 2013, Olga Toutoubalina réagissait au retour au Tadjikistan, à l’invitation du Président de la république, d’un poète et ancien opposant qui avait aussitôt multiplié les marques de soutien au pouvoir en place. Elle entamait son article par une citation : « “L’intelligentsia, ce n’est pas le cerveau de la nation, c’est sa merde.” Ainsi parlait le guide du prolétariat mondial, Vladimir Lénine, et j’ai envie de dire de même en lisant la nouvelle du retour au pays du poète Bozor Sobir... » Trois intellectuels, dont les noms n’apparaissent nulle part dans l’article, ont porté plainte contre Olga Toutoubalina avec le soutien de cinq institutions subventionnées par l’Etat (les Unions des Ecrivains, des Artistes, des Compositeurs et des Architectes ainsi que l’Académie des Sciences), pour avoir porté atteinte à « l’honneur, la dignité et la réputation d’un large groupe social ». Les trois plaignants reprochaient à la journaliste de leur avoir causé des « dommages physiques et moraux ». Le 25 février, le tribunal du district de Firdausi de Douchanbé (capitale) a reconnu coupables Olga Toutoubalina et Asia Plus. Outre les dommages et intérêts, il a ordonné au journal de publier un démenti. Les avocats de la défense ont fait appel de cette décision le 18 mars. Dans leur recours, les avocats jugent le verdict « infondé, illégal et attentatoire aux droits ». Ils soulignent que les noms des trois plaignants n’apparaissent pas dans l’article incriminé et que la citation de Lénine ne saurait juridiquement être attribuée à la journaliste. La représentante pour la liberté des médias de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), Dunja Mijatovic, a mis en avant l’illégitimité pour des plaignants d’agir au nom d’un groupe social et le non-sens que constitue une accusation de calomnie contre un « ensemble mal défini de personnes ». Les organisations locales oeuvrant pour le respect de la liberté de la presse ont elles aussi exprimé leurs craintes que cette décision de justice ne produise un effet d’intimidation et ne favorise l’autocensure. L’Association nationale des médias indépendants du Tadjikistan (NANSMIT) qualifie ce jugement de « coup porté à la liberté de la presse ». Asia Plus est une des rares sources d’information indépendantes au Tadjikistan. Outre l’hebdomadaire, le groupe du même nom possède une agence de presse, une radio, un studio de télévision et un site d’information de référence, régulièrement bloqués dans le pays depuis quelques années. Le Tadjikistan figure à la 115e place sur 180 dans le classement de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières
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Updated on 20.01.2016