Violente répression contre la presse au Bélarus : RSF demande à l’UE de prendre des sanctions

Reporters sans frontières (RSF) dénonce la répression d’une ampleur sans précédent qui s’est abattue sur les journalistes au Bélarus dans le cadre de l’élection présidentielle et appelle l’Union européenne à condamner les violences et sanctionner les responsables de ces actions liberticides.

Arrestations arbitraires, détentions prolongées, passages à tabac, expulsion…. La répression implacable qui s’est abattue sur les journalistes au Bélarus est multiforme et d’une ampleur inégalée. En tout, selon un bilan dressé par l’Association biélorusse des journalistes (BAJ) ce sont plus de 130 cas de violations graves des droits des journalistes qui ont été recensés entre le 8 mai, date du début de la campagne électorale, et le 11 août 2020, soit 48 heures après le scrutin présidentiel. 


Une telle répression contre la presse en Europe est totalement inacceptable, déclare la rédactrice en chef adjointe à RSF, Catherine Monnet. A la veille d’une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) sur la situation au Bélarus, RSF demande une condamnation sans appel de ces violations flagrantes du droit d’informer. A défaut d’un arrêt immédiat du harcèlement des médias et la libération des journalistes encore détenus, l’organisation appelle les membres de l’UE à prendre des sanctions contre les responsables de ces violences et arrestations injustifiées.


Des arrestations massives et arbitraires  


D’après l’Association biélorusse des journalistes (BAJ), près de 70 journalistes ont été arrêtés depuis le 9 août alors qu’ils couvraient l’élection présidentielle biélorusse et les manifestations qui ont suivi l’annonce des résultats. Jeudi 13 août,  23 journalistes se trouvaient encore en détention dans l’ensemble du pays. Parmi eux, deux journalistes de la chaîne de télévision biélorusse en exil Belsat, Vitaly Dubik et Alena Shcharbinskaya, arrêtés lundi à Minsk. 


La plupart des interpellations se font sur la base de l’article 23.34 du Code administratif biélorusse, qui sanctionne la “violation de la réglementation des actions de masse”. Le journaliste de Belsat Dmitry Kazakevich arrêté à Vitebsk le soir du 9 août a été placé en détention préventive pendant 10 jours sur ce prétexte. Certains journalistes, comme le rédacteur en chef de l’un des plus vieux hebdomadaires indépendants biélorusses Nasha Niva Yegor Martinovich, arrêtés avant d’avoir pu signaler leur détention, disparaissent pendant plusieurs jours et ne sont pas en mesure de contacter leurs proches avant d’être relâchés. 


Une violence démesurée qui a visé journalistes locaux et étrangers


La répression a été parfois brutale : au total, 29 faits de violence policière ont été recensés contre des journalistes depuis le jour de l’élection. Au moins sept journalistes ont été gravement blessés par la police, dont la journaliste de Nasha Niva, Natalia Lubnevskaya, touchée à la jambe par une balle en caoutchouc, et le photographe d’Associated Press, Mstyslav Chernov, également hospitalisé après avoir été roué de coups par la police. L’envoyé spécial du site d’information russophone basé à Riga Meduza, Maxime Solopov, a été sévèrement frappé par des policiers alors qu’il couvrait les manifestations à Minsk dimanche soir, avant d’être arrêté, tout comme Anton Starkov et Dmitri Lasenko, correspondants pour le média moscovite Daily Storm, frappés à coup de matraque lors de leur interpellation. 


Si la répression a effectivement touché les derniers médias biélorusses indépendants, elle n’a pas épargné les journalistes étrangers, principalement russes, polonais et ukrainiens. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs été expulsés du Bélarus, officiellement pour absence d'accréditation, qui ont été délivrées au compte goutte par le ministère des Affaires Étrangères.


La détention d’une accréditation ne garantit pas forcément une protection aux professionnels des médias : trois journalistes de la BBC, qui avaient tous une accréditation valide, ont été violemment interpellés le 11 août à Minsk par des policiers en civil. Ceux-ci ont endommagé leurs caméras, ont frappé l’un des journalistes, et ont arraché l’accréditation d’un des membres de l’équipe.


En solidarité avec les manifestants et pour dénoncer les violences policières, au moins cinq animateurs de chaînes TV gouvernementales, dont Vladimir Bourko, présentateur de la chaîne Belarus-1, ont présenté leur démission ces dernières 48 heures. Selon la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, environ 6 000 arrestations ont été recensées depuis le jour du scrutin, le 9 août. La répression policière a également fait deux morts et plusieurs centaines de blessés. 


Internet est par ailleurs totalement ou partiellement inaccessible depuis le 9 août dans le pays, et la majorité des sites d’information sont toujours bloqués. 


Dirigé depuis 1994 par Alexandre Loukachenko, qui organise sa réélection tous les cinq ans dès le premier tour, le Bélarus occupe la 153e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 de RSF.

Publié le
Mise à jour le 14.08.2020