Victime d’une septième effraction à son domicile, un journaliste soupçonne les services de renseignement

Ignacio Gómez, co-directeur du journal télévisé "Noticias Uno" sur la chaîne publique Canal Uno, a subi une nouvelle effraction, le 24 mai 2011, la septième en moins d’une décennie. Alors que le journaliste était absent, des inconnus – deux hommes et une femme disposant d’appareils sophistiqués - ont tenté de forcer la porte principale de son appartement. Constatant que les voisins étaient alertés, les assaillants ont pris la fuite. A l’issue d’une précédente effraction en 2010, Ignacio Gómez s’était vu dérober son ordinateur personnel ainsi que des documents et des clés USB. Le journaliste avait notamment enquêté sur des affaires compromettantes pour les enfants de l’ancien président Alvaro Uribe. Au moment des faits, Ignacio Gómez - également président de la Fondation pour la liberté de la presse (FLIP) - participait à un débat au cours duquel il dénonçait la persistance des “chuzadas”, ces écoutes illégales attribuées, entre autres pratiques, au Département administratif de sécurité (DAS), la branche principale du renseignement colombien. Le même jour, le journaliste a assisté à la présentation d’une demande de la FLIP introduite auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), en soutien à la cause de Jineth Bedoya, du quotidien El Espectador, victime d’enlèvement, de torture et de viol en mai 2000. Ignacio Gómez a rejeté l’hypothèse d’un simple cambriolage et soupçonné le DAS d’être à l’origine de cette nouvelle effraction, soulignant les manœuvres d’intimidations menées par cette entité à son encontre depuis 2002. Un temps forcé à l’exil, le journaliste a été la cible de deux agressions physiques. Son nom figure, avec ceux d’autres collègues, dans les fichiers du DAS. “Ignacio Gómez compte parmi les journalistes connus pour leurs critiques envers la politique de ‘sécurité démocratique’ initiée sous le double mandat d’Alvaro Uribe (2002-2010). Nous ne croyons pas plus que lui au banal cambriolage. De tels procédés porte trop souvent la marque de services de renseignement dont nous dénonçons depuis longtemps les dérives et les basses œuvres. Impossible de ne pas voir des actes d’espionnage dans ces effractions répétées. La justice doit se saisir au plus vite de cette nouvelle affaire qui plaide pour une réforme de fond des services de renseignement. Un terme doit être mis à ces méthodes”, a déclaré Reporters sans frontières. Le journaliste indépendant Gonzalo Guillén a été victime de vol dans des circonstances similaires, le 1er mai dernier, toujours à Bogotá. Des individus non identifiés ont pénétré dans son appartement et ont emporté son ordinateur et un disque dur contenant des informations impliquant la responsabilité des forces armées dans des faits de corruption et des exécutions extrajudiciaires (“faux positifs”). Le jour de l’effraction ciblant Ignacio Gómez, la justice colombienne a émis un mandat d’arrêt contre l’ancienne directrice du DAS María del Pilar Hurtado, en exil au Panama depuis novembre 2010. Reporters sans frontières avait dénoncé l’accueil accordé à l’ancienne fonctionnaire par l’Etat panaméen. Nous espérons que le Panama accédera à la demande des autorités judiciaires colombiennes en extradant María del Pilar Hurtado.
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Updated on 20.01.2016