Une manifestation en hommage du journaliste assassiné Alisher Sayipov, dispersée par la police

Quarante jours après l'assassinat du journaliste Alisher Sayipov, ses collègues et des militants des droits de l'homme ont manifesté, le 4 décembre 2007, devant le siège du gouvernement à Bichkek afin de rappeler aux autorités que les meurtriers n'avaient toujours pas été identifiés. Après avoir planté un arbre en souvenir du reporter, les manifestants ont invité les passants à se joindre à eux pour y accrocher des rubans. La police est alors intervenue et a demandé aux participants le nom des organisateurs avant de déraciner l'arbre. Le chef de la police de Bishkek a répété à plusieurs reprises que la manifestation n'était pas autorisée. Le 24 octobre 2007, Alisher Sayipov a été assassiné en pleine rue d'Och, la capitale du sud du Kirghizstan. Il avait, à de nombreuses reprises, été menacé par les services secrets ouzbeks en raison de ses articles critiques envers le président, Islam Karimov. Les journalistes kirghizes ont également commémoré l'assassinat d'Alisher Sayipov en observant une minute de silence durant leur congrès du 8 décembre. De nombreuses organisations internationales, dont Reporters sans frontières, ont demandé à ce que les responsables et notamment les commanditaires de ce crime soient identifiés dans les plus brefs délais et jugés. ------------------------------------------------------------------- 6 novembre 2007 Qui a tué Alisher Sayipov ? Des pressions risquent de biaiser l'enquête sur l'assassinat du journaliste d'origine ouzbèke « De récents développements et déclarations nous font craindre que les autorités kirghizes n'aient pas la volonté de faire toute la lumière sur la mort d'Alisher Sayipov. Nous appelons le gouvernement à prendre la mesure de la gravité de l'assassinat d'une des rares voix indépendantes du journalisme ouzbek. Les circonstances de ce crime commis en public et en plein jour, en font également un message d'intimidation adressé à tous les journalistes indépendants en Asie centrale”, a déclaré Reporters sans frontières. “Nous mettons en garde les autorités contre tout calcul hasardeux. L'image positive dont jouit le Kirghizstan auprès de la communauté internationale souffrira immanquablement si elles écartent d'emblée les pistes impliquant le puissant voisin ouzbek. En particulier, si elles cherchent à dissimuler les agissements illégaux d'agents de services de renseignements étrangers sur le sol kirghiz, qui pourraient être impliqués dans la mort d'Alisher Sayipov”, a poursuivi l'organisation. “Une campagne de dénigrement à l'encontre d'Alisher Sayipov a déjà débuté. C'est indigne. Nous demandons aux autorités d'y renoncer. Alisher Sayipov était un journaliste professionnel, compétent et engagé en faveur de la démocratie. Le fait qu'il ait été en contact avec des membres de mouvements interdits dans le pays ne fait pas de lui un criminel. Alisher Sayipov, âgé de 26 ans et père d'une petite fille, est la victime dans cette affaire et non un suspect. L'enquête devrait se concentrer sur la recherche des responsables et leurs commanditaires, non sur l'accusation de la victime”, a conclu Reporters sans frontières. Le 25 octobre 2007, le président kirghize Kourmanbek Bakiev a déclaré qu'il plaçait l'enquête sous son autorité et a dépêché à Och le responsable des questions de défense et de sécurité auprès de la présidence, Omourbek Souvanaliev. Le 27 octobre, Toursounbaï Bakir Ououlou, ombudsman pour les droits de l'homme, déclarait à la BBC que les services secrets ouzbeks pourraient être impliqués dans la mort d'Alisher Sayipov. Le 30 octobre, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Bakyt Seitov, confirmait cette piste à l'agence Reuters. Après cette série de déclarations privilégiant la piste professionnelle, les autorités ont multiplié les accusations contre le journaliste. D'une part, il est accusé d'avoir rencontré le dirigeant du Mouvement islamique ouzbek (MIO), Tahir Youldachev, et d'être rémunéré par cette organisation responsable d‘incursions armées en Ouzbékistan et en Kirghizie entre 1999 et 2001. ll est aussi soupçonné d'être en contact avec un autre groupe islamique interdit en Kirghizie, Hizb-ut-Tahrir, ainsi qu'avec Mouhammed Salih, leader du parti ouzbek d‘opposition “Erk”, en exil en Europe. D'autre part, les subventions que Sayasat a reçues de la part de la fondation américaine National Endowment for Democracy (NED) sont désormais mentionnées par les autorités pour semer le doute sur la crédibilité du journaliste. Enfin, le 30 octobre 2007, Adakhan Madoumarov, secrétaire d'Etat et ancien journaliste, a déclaré sur l'antenne d'Och TV que “des journalistes étaient tués dans tous les pays, que des hommes politiques aussi étaient tués, mais qu'on ne faisait autant de bruit que pour la mort de journalistes.” Les autorités ouzbèkes n'ont pas commenté la mort d'Alisher Sayipov. Toutefois, selon Radio Free Europe, le 26 octobre, plusieurs fournisseurs d'accès Internet ouzbeks ont bloqué l'accès à des sites commentant cet assassinat. Cette information a été confirmée par le site indépendant ferghana.ru, auquel le journaliste collaborait. Alisher Sayipov contribuait à de nombreuses publications. Il avait fondé, en 2007, le journal Sayasat. Il était également impliqué au sein de la communauté ouzbèke du sud du Kirghizstan. En 2002, il avait été agressé par un officier des douanes à la frontière entre l'Ouzbékistan et le Kirghizstan après la diffusion d'un reportage dans lequel il faisait état de la corruption du personnel des douanes ouzbèkes. Le 24 octobre 2007, vers 19 heures, Alisher Sayipov a été abattu près des locaux de Radio Free Europe dans la ville de Och (Sud). Il avait à de nombreuses reprises était menacé par les services secrets ouzbeks en raison de ses articles critiques envers le régime d'Islam Karimov, qui étaient accessibles aux Ouzbeks via l'Internet. Ses enquêtes étaient également lues dans la vallée de Ferghana, frontalière du sud du Kirghizstan, où le journal qu'il avait fondé, Sayasat (Politique), circulait. Quelques jours avant sa mort, il avait confié à la correspondante de la BBC, en Asie centrale, Natalia Antelava, que sa tête avait été mise à prix. Mais il se pensait en sécurité de l'autre côté de la frontière avec l'Ouzbékistan. Selon l'Institute for War and Peace Reporting (IWPR), l'action des services de sécurité nationale ouzbeks dans la région d'Osh a été suspectée à plusieurs reprises, lors d'enlèvements de réfugiés ouzbeks originaires de la région d‘Andijan, ainsi que dans la mort, en août 2006, d'un responsable religieux, dans ce qui aurait été une opération antiterroriste menée par les services spéciaux kirghiz et ouzbeks. Lisez notre premier article sur la mort d'Alisher Sayipov
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Updated on 20.01.2016