Une journaliste menacée et accusée de consommer de la drogue par un comité de sécurité locale sur une chaîne de télévision

Le 27 octobre 2011, Lucía Escobar, directrice de la station Radio Ati, a accusé le comité de sécurité de Panajachel, à Sololá (sud ouest) d’être à l’origine des menaces dont elle a été l’objet depuis la publication d’un article d’opinion, dans le quotidien elPeriódico. Elle y dénonçait l’implication de plusieurs membres du comité dans la disparition d’un jeune homme, survenue il y a deux semaines, ainsi que dans "le nettoyage social" menée par la milice urbaine en place depuis 2009. La journaliste a préféré quitter son domicile le 29 octobre pour se mettre à l'abri dans un endroit qu'elle a gardé secret. Reporters sans frontières demande aux autorités d’assurer la protection de la journaliste et de mener une enquête sérieuse et efficace contre les auteurs de ces menaces. Face à l’incapacité de l’Etat à maintenir l’ordre dans un contexte social et politique gangrené par la violence et le crime organisé depuis la fin de la guerre civile en 1996, sont apparus des "juntas", des "comités" qui s’emploient au "nettoyage social" des délinquants ("limpieza social" en espagnol). Dans son article, Lucía Escobar accuse plusieurs membres influents du comité, ainsi que le maire de la ville, Gerardo Higuero, de “représenter et défendre les ‘cagoulés‘ ” ("los encapuchados" en espagnol) de Panajachel, groupe d’individus faisant des rondes la nuit, le visage caché, munis d’armes en tout genre (battes de base-ball, pistolets à électrochocs), pour assurer la sécurité de la ville. "Jusqu’à aujourd’hui, il existe plus de 30 plaintes déposées contre les ‘cagoulés‘ pour différents délits : abus de pouvoir, torture et séquestration, etc. On fait également mention d’assassinats, de nettoyage social et d’exécutions extrajudiciaires", peut-on lire dans son article. Le comité a riposté en direct depuis la chaîne de télévision locale de Panajachel, Canal 10, appartenant à Gerardo Higuero, le 27 octobre, durant la transmission d’une des réunions. Les membres du comité ont accusé Lucía Escobar d’être impliquée dans un trafic de drogues et d’en consommer. L’IPYS a rapporté que la journaliste avait également reçu des messages d’intimidation, lui notifiant qu’elle finirait "au fond du lac" d’Atitlán, faisant allusion à la dernière phrase de son article : "Si je suis la prochaine (victime) à reposer au fond du plus beau lac au monde, le corps lesté avec des pierres, vous saurez qui est le coupable". Selon le rapport publié le 27 octobre dernier par le secrétariat de la Déclaration de Genève, l’Amérique centrale est la région la plus violente du monde à cause des groupes armés liés au crime organisé, ce qui constitue un terrain d’investigation dangereux pour les journalistes. Au Honduras, le 29 octobre, Edy Andino, un journaliste de la chaîne de télévision Canal 6, a été gravement blessé par balles à San Pedro Sula (nord), par quatre individus à bord d’un bus touristique, alors qu’il se rendait à son domicile en voiture. Les coups de feux ont cessé lorsque le journaliste leur a dit qu’il travaillait pour Canal 6, ce qui indique que l’agression n’était pas liée au mobile professionnel. Le journaliste est hors de danger.
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Updated on 20.01.2016