Une journaliste envisage de s'exiler pour échapper aux pressions du gouvernement

Reporters sans frontières est très préoccupée par l'acharnement des autorités à l'encontre d'Anchalee Paireerak, productrice et journaliste de la radio communautaire FM 92.25. Elle a déclaré, le 23 juin, vouloir tout abandonner et quitter la Thaïlande afin d'aller étudier à l'étranger. " Le gouvernement nous harcèle tous les jours. Au début, il disait que notre antenne était trop haute et qu'elle causait des interférences avec d'autres radios. Nous avons alors désinstallé l'antenne et décidé de passer par Internet pour diffuser nos informations, ce qui ne gênait personne. Or, le gouvernement a également décidé de fermer notre site Web ", a affirmé la journaliste au quotidien The Nation. Anchalee Paireerak aurait par ailleurs reçu un appel, le 22 juin, lui conseillant vivement de quitter le pays. " Je ne veux pas vivre dans la peur, alors je vais reprendre mes études et me consacrer à des activités sans liens avec la politique ", a-t-elle ajouté. La Commission justice du Parlement (House Committee on justice) a convoqué Anchalee Paireerak, qui lui avait fait part de ces menaces, ainsi que l'inspecteur du ministère des Technologies de l'Information et des Communications, Surachai Nilsaeng, pour recueillir leurs témoignages à propos de la fermeture du site Internet www.fm9225.com. Le fonctionnaire a décliné l'invitation de la Commission, se disant trop occupé. D'après la journaliste, le Département des relations publiques l'aurait exhortée, le 20 juin, à " améliorer " les programmes de la station, et aurait accusé l'animateur Samarn Sri-ngarm d'utiliser des termes inappropriés et d'inciter à la division sociale. Le lendemain, un courrier lui aurait été adressé par l'inspecteur, la sommant de mettre son site aux normes sous peine de fermeture. _________________________________________________ 23.06.2005 Reporters sans frontières dénonce la fermeture de sites Internet et de radios communautaires En l'espace d'une semaine, les autorités ont procédé à la fermeture de plusieurs radios communautaires et de deux sites Internet contestataires. Reporters sans frontières dénonce ce durcissement du gouvernement de Thaksin Shinawatra à l'encontre des voix critiques. Reporters sans frontières exprime tout particulièrement sa préoccupation suite à la fermeture, vraisemblablement sur ordre du ministère des Technologies de l'Information et des Communications, de deux sites critiques du gouvernement. "La Thaïlande bloque déjà l'accès à des milliers de sites jugés 'inappropriés', en particulier des sites pornographiques, mais aussi certaines publications dénonçant des 'affaires' impliquant les autorités. Toutefois, à notre connaissance, c'est la première fois que le ministère ordonne à un hébergeur de fermer un site d'informations. C'est un précédent extrêmement grave, d'autant que le gouvernement refuse de s'expliquer sur cette décision et feint même de ne l'avoir jamais prise. Nous rappelons que la fermeture d'une publication en ligne ne peut être décidée que par un tribunal ; elle ne peut en aucun cas être justifiée par une décision administrative", a déclaré l'organisation. Les deux sites, www.fm9225.com et www.thai-insider.com, ont été fermés le 21 juin 2005. Selon le quotidien anglophone Bangkok Post, le ministère des Technologies de l'Information et des Communications (ICT) serait intervenu directement auprès de leurs hébergeurs pour que ces publications soient retirées du Web. Le ministère a pour l'instant démenti être à l'origine de cette censure. Le site www.thai-insider.com publiait notamment des articles dénonçant des affaires de corruption impliquant le gouvernement. Le responsable de cette publication, Ekkayuth Anchanbutr, un farouche opposant du Premier ministre Thaksin Shinawatra, a déjà fait migrer son site vers un autre hébergeur. Thai Insider est désormais accessible à l'adresse : www.akeyuth.com. www.fm9225.com met en ligne les émissions de plusieurs radios communautaires, dont FM 92.25, critiques du gouvernement. Selon le quotidien thaïlandais The Nation, un responsable du site affirme avoir reçu de la division spécialisée dans l'Internet du ministère des ICT une lettre expliquant que son site mettait en danger "l'unité et la sécurité du pays". Pour plus d'informations sur la censure d'Internet en Thaïlande, voir : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=1074 La fermeture de ces sites intervient alors que le gouvernement a entamé un bras de fer avec de nombreuses radios communautaires. Si les autorités affirment vouloir réguler le secteur - qui compterait déjà plus de 3 000 stations -, certains responsables de radios dénoncent une reprise en main. Depuis l'expiration de l'ultimatum du 15 juin imposant à toutes les radios communautaires de s'enregistrer et de résoudre leurs « problèmes techniques », au moins deux d'entre elles ont été purement et simplement fermées. Reporters sans frontières demande au gouvernement de chercher plutôt des solutions négociées pour résoudre les problèmes techniques. « L'essor des radios communautaires est une bonne nouvelle pour le pluralisme de l'information en Thaïlande. Il est regrettable que le gouvernement soit tenté d'étouffer ces jeunes radios », a estimé l'organisation. Le 17 juin 2005, des agents du Département des relations publiques (PRD) et de la Commission nationale des Télécommunications (NTC) ont procédé à la fermeture de deux radios communautaires de Bangkok, Huay Kwang et Bang Khen. L'émetteur de la première et l'antenne de la seconde ont été saisis. Les autorités leur reprochaient d'utiliser du matériel non réglementaire causant des interférences avec les signaux émis par d'autres radios et par l'aviation. La nouvelle réglementation sur les radios communautaires limite leur émission à 30 watts et à un rayon inférieur à 15 kilomètres. Elle interdit par ailleurs l'utilisation d'antennes de plus de 30 mètres de haut. Les opérateurs réclament quant à eux une puissance d'émission de 500 watts et des antennes de 60 mètres. Les responsables des radios ne respectant pas ces normes techniques sont passibles de peines pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 100 000 bahts d'amende (environ 2 000 euros). Déjà, en mai, la station FM 92.25 avait reçu deux avertissements gouvernementaux. Selon les autorités, son antenne était trop haute. Pour éviter d'être fermée, FM 92.25 avait retiré son antenne et lancé le site www.fm9225.com. Selon des journalistes thaïs contactés par Reporters sans frontières, les sanctions expéditives prises par le PRD à l'encontre de ces radios communautaires s'expliquent par la volonté des autorités de défendre leur situation oligopolistique dans le secteur. Le PRD gère en effet près de 200 stations. L'armée détient quant à elle deux chaînes de télévision et plus de 120 radios.
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Updated on 20.01.2016