Reporters sans frontières est préoccupée par le retrait inopiné de l'antenne de Radio Nacional, le 30 décembre, de l'émission « Esto que pasa », dirigée par José « Pepe » Eliaschev (photo). L'organisation rappelle qu'un média public ne signifie pas un média aux ordres et a demandé des explications au chef de cabinet de la présidence, Alberto Fernández.
Reporters sans frontières s'étonne de la brutale suppression de la grille de Radio Nacional, le 30 décembre 2005, de l'émission « Esto que pasa » conduite par José « Pepe » Eliaschev. L'organisation attend des explications du gouvernement qui aurait imposé cette décision à la direction de la station.
« Un média public ne signifie pas un média aux ordres. José « Pepe » Eliaschev n'a reçu pour toute explication à sa mise à l'écart qu'un « ordre venu d'en haut ». Si tel est le cas, il s'agit d'un acte de censure. Le pouvoir politique n'a pas à s'ingérer dans le fonctionnement et la programmation d'un média, fût-il public. Le scandale politique et médiatique soulevé par cette affaire appelle des explications du chef de cabinet de la présidence, Alberto Fernández, directement mis en cause », a déclaré Reporters sans frontières qui a adressé un courrier à ce dernier.
Le 30 décembre, cinq minutes après avoir terminé son émission, Pepe Eliaschev a reçu un appel de la directrice générale de Radio Nacional, Adelina Olga « Mona » Moncalvillo, qui l'a avisé que le programme « Esto que pasa » ne serait pas reconduit en 2006. « Elle m'a dit : “C'est fini“ [en français dans le texte - ndlr]. Je n'ai même pas eu la possibilité de dire au revoir à mes auditeurs », a confié à Reporters sans frontières Pepe Eliaschev, qui conduisait l'émission depuis 2001. En guise d'explication, Mona Moncalvillo a argué d'un « ordre venu d'en haut », faisant allusion au chef de cabinet de la présidence Alberto Fernández et au secrétaire en charge des médias Enrique Albistur, auprès de qui la direction de la station rend des comptes.
« Il s'agit d'un cas de censure pure et simple », a dénoncé Pepe Eliaschev. Le journaliste a également souligné auprès de Reporters sans frontières qu'une clause incluse dans son contrat prévoit que pour le modifier, « un délai d'une semaine minimum est requis. Cette clause n'a pas été respectée ».
Pepe Eliaschev a avancé comme explication à sa mise à l'écart et à la suppression de « Esto que pasa » le fait que « chaque semaine, je signalais que le président Néstor Kirchner ne donnait jamais de conférence de presse, chose qui me paraît inadmissible ».
Selon le quotidien La Nación, l'association des entreprises de presse argentines (Asociacion de entidades periodísticas argentinas) a sévèrement mis en cause la présidence, réputée pour ses mauvaises relations avec les médias : « Le gouvernement n'a pas rectifié le tir en matière de communication, malgré les critiques qu'il a reçues pour sa tendance à faire taire les voix dissidentes et les opinions qui contredisent ses positions. » Le Forum du journalisme argentin (Fopea) s'est dit préoccupé par « la pression croissante du pouvoir politique sur les journalistes et les médias ».
Plusieurs partis d'opposition, dont l'Union civique radicale (UCR), le Parti socialiste et l'Alternative pour une république d'égaux (ARI) se sont joints aux protestations pour dénoncer, entre autres « une grave atteinte à la liberté d'expression ».
Sollicités par Reporters sans frontières, la directrice de Radio Nacional et le chef de cabinet Alberto Fernández n'ont pas souhaité répondre.