Un net-citoyen américain condamné, la Thaïlande persiste dans l’instrumentalisation du crime de lèse-majesté
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Reporters sans frontières déplore la multiplication des accusations et condamnations pour crime de lèse-majesté en Thaïlande. Le 8 décembre 2011, le blogueur Joe Gordon a été condamné par le tribunal de Bangkok à deux ans et demi de prison ferme.
“Bien qu’il s’agisse d’une réduction de sa peine initiale, nous sommes choqués par cette sentence, la dernière d’une longue série de condamnations pour lèse-majesté. Nous assistons à une surenchère dans les sanctions infligées aux net-citoyens thaïlandais. Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement du Premier ministre Yingluck Shinawatra se montre pire que son prédécesseur. En quatre mois seulement, le nombre d’accusations, poursuites et condamnations liées au lèse-majesté excède le bilan de l’année 2010. Le gouvernement doit mettre fin à cette politique répressive et abroger la loi sur le crime de lèse-majesté et le Computer Crime Act, deux textes liberticides”, a déclaré Reporters sans frontières.
“Nous appelons les autorités à libérer Joe Gordon et les nombreux net-citoyens et journalistes emprisonnés pour lèse-majesté, ainsi qu’à abandonner les poursuites contre la directrice de publication du journal en ligne Prachatai, Chiranuch Premchaiporn (plus connue sous le nom de Jiew), dont le procès est toujours en cours”, a poursuivi l’organisation.
Accusé de crime de lèse-majesté pour avoir traduit des passages de la biographie interdite du roi Bhumibol Adulyadej (“Le roi ne sourit jamais”, de Paul Handley) sur son blog, Joe Gordon a été officiellement inculpé pour ce motif le 30 août dernier. Ce blogueur américain né en Thaïlande, avait été arrêté et placé en détention provisoire en mai 2011, alors qu’il passait des vacances dans le pays.
Joe Gordon avait dans un premier temps rejeté toutes les charges pesant contre lui, avant de plaider coupable, dès le 10 octobre 2011, évitant ainsi une peine de cinq de prison. Son avocat, Anon Nampha, a déclaré que son client ne ferait pas appel, mais qu’il espérait obtenir la grâce royale.
La loi de lèse-majesté en Thaïlande est l’une des plus restrictives au monde en matière de liberté d’expression et d’information. La Premier Ministre Yingluck Shinawatra avait pourtant affirmé, en prêtant serment le 10 août 2011, que "le crime de lèse-majesté ne (devait) pas (être) utilisé de façon inappropriée”. Une déclaration contredite le 26 août dernier par le vice-Premier ministre Chalerm Yubamrung, qui a fait de lutte contre le crime de lèse-majesté sa priorité. En parallèle, les arrestations et condamnations se sont récemment multipliées.
Le cas d’Ampon Tangnoppakul, surnommé “Uncle SMS”, condamné le 23 novembre 2011 à vingt ans de prison pour des SMS “insultants à l’égard des monarques”, a éveillé l’attention de la communauté internationale. Les Etats-Unis ont notamment exprimé leur préoccupation en déclarant que de telles condamnations violaient le droit fondamental à la liberté d’expression.
Le procès de Jiew est toujours en cours. Elle risque vingt ans de prison en vertu du Computer Crime Act, pour ne pas avoir effacé assez promptement des commentaires “nuisant à la monarchie” postés sur son blog en 2010 (lire le communiqué).
Somyot Prueksakasemsuk, ancien rédacteur en chef du journal Voice of Thaksin, interdit depuis 2010, est en détention provisoire depuis sept mois pour "insulte à la monarchie" (lire le communiqué).
Plusieurs net-citoyens sont toujours emprisonnés pour des crimes de lèse-majesté. Surapak Phuchaisaeng est en attente de son jugement pour des messages postés sur Facebook. Thanthawut Thaweewarodomkul a été condamné, le 15 mars 2011, à treize ans d’emprisonnement pour des articles publiés sur un site web lié aux “Chemises rouges”, Nor Por Chor USA.
Norawase Yotpiyasathien, étudiant et blogueur, arrêté le 5 août 2011, a finalement été libéré sous caution trois jours plus tard.
La Thaïlande fait partie des pays sous surveillance dans la liste des Ennemis d’Internet et se place au 153ème rang sur 178 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2010.
Publié le
Updated on
20.01.2016