Un membre du parti au pouvoir mis en cause dans l'assassinat d'un journaliste
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mise a jour - 25 janvier 2002
Le 24 janvier, on apprend qu'un procureur du Tribunal de Chiquimula (Sud-Ouest) a demandé à la Cour suprême de lever l'immunité du maire de Puerto Barrios, Jorge Mario Chigua, soupçonné d'être le commanditaire de l'assassinat de Mynor Alegría. Le magistrat a également émit un mandat d'arrêt contre l'ancienne compagne du journaliste, Olga Matiza Linares, et la sœur de celle-ci. Elles sont toutes deux accusées de complicité dans l'assassinat de Mynor Alegría.
9 octobre 2001
Le 8 octobre, on apprend qu'un rapport balistique de la police écarte l'implication de Ramón Garcìa Silva et Humberto Contreras, principaux suspects arrêtés quelques heures seulement après l'assassinat du journaliste Mynor Alegrìa. L'expertise a conclu que l'arme qui était en leur possession ne pouvait être celle utilisée contre le journaliste. Considérant que les deux hommes n'étaient en fait que des "boucs émissaires", le bureau du défenseur des Droits de l'Homme (médiateur) a demandé la libération de MM. Ramón Garcìa Silva et Humberto Contreras.
28 septembre 2001
Dans une lettre adressée au président de la République, Alfonso Portillo Cabrera, Reporters sans frontières (RSF) a demandé que soient entendus dans les meilleurs délais Jorge Mario Chigua, membre du Front républicain guatémaltèque (FRG, au pouvoir), et Edgar Orellana, fonctionnaire. Leurs noms apparaissent en effet dans une enquête sur l'assassinat du journaliste Jorge Mynor Alegría Armendáris menée par le bureau du défenseur des droits de l'homme (médiateur). "Alors que la vie d'un membre de l'équipe de ce dernier et de plusieurs témoins sont menacées dans le cadre de cette affaire, il est indispensable que vous donniez des instructions pour que l'enquête avance au plus vite, quelle que soit la couleur politique des suspects", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF.
L'organisation a également exprimé sa préoccupation après les déclarations, le 19 septembre dernier, de Jorge Pérez, porte-parole de la présidence, menaçant certains médias de poursuites judiciaires s'ils continuaient à publier "des informations sans fondement". L'organisation a demandé au Président de garantir le libre exercice du journalisme et de garantir la sécurité des professionnels de l'information. Depuis le 1er janvier 2001, une vingtaine de journalistes ont été menacés ou agressés au Guatemala.
Rappel des faits
Jorge Mynor Alegría Armendáriz, animateur de l'émission "Línea Directa" de Radio Amatique, situé à Puerto Barrios, dans le département d'Izabal (est du Guatemala) a été abattu, le 5 septembre 2001, par deux inconnus, qui l'attendaient devant son domicile. Les deux hommes lui ont tiré dessus à six reprises avant de prendre la fuite à moto. (consulter la lettre de protestation du 07/09 ).
Conclusions de l'enquête
Selon les informations recueillies par RSF, Julio Arango, le défenseur des droits de l'homme, a annoncé, le 20 septembre 2001, que l'enquête menée par ses services sur cet assassinat avait conclu que "les commanditaires pourraient être des fonctionnaires de la municipalité (de Puerto Barrios) et de (l'entreprise publique) Portuaria Santo Tomás accusés de corruption dans l'émission" du journaliste. Ce dernier avait mis en cause Jorge Mario Chigua, le maire de Puerto Barrios, membre du FRG, et avait également dénoncé les pressions exercées par les dirigeants d'Empornac (Empresa Portuaria Santo Tomas), l'entreprise publique administrant le port de la ville, sur plusieurs employés qui critiquaient la corruption au sein de l'entreprise.
L'enquête du bureau du défenseur des droits de l'homme rappelle que le maire de Puerto Barrios avait menacé de mort le journaliste à l'antenne. Elle rapporte également qu'Edgar Orellana, responsable des relations publiques d'Empornac et de la municipalité, avait contacté à plusieurs reprises Mynor Alegría pour lui proposer de l'argent et un emploi en échange de son silence. D'après un article publié le 25 septembre par le quotidien Prensa Libre, les révélations faites par le journaliste sur les affaires de corruption sont corroborées par un rapport de la Cour des comptes qui chiffre à plusieurs centaines de milliers de dollars le montant des malversations réalisées par la municipalité et l'entreprise publique.
L'enquête conclut également que les auteurs matériels du meurtre pourraient être des membres des forces de l'ordre qui auraient agi avec préméditation. Julio Arango a transmis au ministère public les conclusions de son enquête. Il demande aux enquêteurs, dont les pistes actuelles sont qualifiées de "pas crédibles" par plusieurs observateurs, de mener une "enquête approfondie" sur la base de ces révélations et de faire bénéficier les témoins d'une protection. Le lendemain de la conférence de presse, le représentant du défenseur des droits de l'homme à Puerto Barrios a reçu des menaces de mort.
Menaces envers les médias
Par ailleurs, le porte-parole de la présidence, Jorge Peréz, a menacé, le 19 septembre 2001, la presse écrite de poursuites judiciaires si elle continuait à publier "des informations sans fondement". En août, le quotidien El Periódico avait révélé que, chaque année, 220 000 quetzals (30 500 euros) seraient prélevés sur les fonds publics pour payer les études de la fille d'Alfonso Portillo. Le quotidien avait également dénoncé l'achat présumé, par le secrétaire privé de la présidence, d'un hélicoptère pour le président du Nicaragua, Arnoldo Alemán. Enfin, le journal avait révélé que le président nicaraguayen se serait également vu offrir une Mercedes blindée par Francisco Alvarado Macdonald, un ami du président Portillo et contributeur financier à la campagne du FRG. La rédaction de El Periódico a fait part de son inquiétude après que, le 20 septembre, l'un des éditeurs de El Periódico a été suivi par deux inconnus circulant à bord d'une voiture volée.
Depuis le 1er janvier 2001, une vingtaine de journalistes guatémaltèques ont été menacés et agressés, notamment après avoir dénoncé des affaires de corruption ou des irrégularités présumées au sein de l'administration. Fin mars, Sylvia Gereda, Luis Escobar, Enrique Castañeda et Martín Juaréz, du quotidien El Periódico, avaient déjà été menacés ou agressés après la publication par le journal d'une enquête sur des malversations financières supposées du président de la banque de Crédit hypothécaire national impliquant certains membres du gouvernement.
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Updated on
20.01.2016