Guatemala : les progrès de la première année de présidence Arévalo compromis par les menaces sur la liberté de la presse et l'affaire Zamora
Reporters sans frontières (RSF) présente le bilan de la première année de mandat du président Bernardo Arévalo au Guatemala. Bien que son gouvernement ait adopté une approche plus ouverte que les administrations précédentes, la poursuite de la criminalisation des journalistes et la corruption persistante au sein du système judiciaire perpétuent l'environnement hostile aux médias indépendants.
“Nous reconnaissons les progrès réalisés par le gouvernement du président Bernardo Arévalo au cours de sa première année de mandat, en particulier en ce qui concerne la promotion du dialogue et le respect de la liberté de la presse. Cependant, ces efforts sont insuffisants tant que la criminalisation et le harcèlement juridique des journalistes persistent. Le cas de Jose Rubén Zamora nous rappelle constamment les risques graves auxquels sont exposés les professionnels des médias au Guatemala. Le gouvernement doit prendre des mesures plus fermes pour démanteler l'appareil répressif hérité des administrations précédentes et garantir un environnement sûr où le journalisme indépendant peut s'épanouir.
Le 14 janvier 2025 a marqué le premier anniversaire de l'entrée en fonction du président Bernardo Arévalo, une période qui a commencé avec de grands espoirs, après des années de politiques répressives. Durant sa campagne, Bernardo Arévalo s'était engagé à respecter les droits de l'homme et à démanteler les structures autoritaires héritées des administrations précédentes. Cependant, malgré ses avancées notables – telles que la fin de la rhétorique anti-presse du gouvernement et l'ouverture du pays aux évaluations internationales – des défis majeurs subsistent, en particulier lorsqu'il s'agit de garantir des procédures judiciaires équitables et une protection efficace des journalistes.
Progrès et engagements tenus
Au début de son mandat, Bernardo Arévalo a mis en œuvre des mesures qui ont amélioré le paysage médiatique. Des conférences de presse ont été organisées plus régulièrement, les journalistes ont eu accès aux événements gouvernementaux et les comptes de médias sociaux institutionnels ont été débloqués, ce qui a facilité l'accès des journalistes aux informations gouvernementales. Une visite de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH), avec la participation du rapporteur spécial pour la liberté d'expression, a été autorisée – la première visite de ce type au Guatemala en huit ans. En novembre 2024, Bernardo Arévalo a honoré sa promesse de signer la Déclaration de Chapultepec, un accord international énonçant les principes clés de la sauvegarde du journalisme indépendant et de la protection des journalistes contre la censure et la persécution.
Dès le début de son mandat, le président Bernardo Arévalo a publiquement condamné la nature arbitraire des poursuites engagées contre Jose Rubén Zamora, les décrivant comme une procédure judiciaire injuste, destinée à faire de ce journaliste un exemple, en raison de ses reportages. Le président a même promis à RSF qu'il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir la libération de Jose Rubén Zamora. Au début de son mandat, Bernardo Arévalo a pris des mesures immédiates pour améliorer les conditions de détention du fondateur d’elPeriódico. Bien que ces efforts aient contribué à améliorer sa situation, Jose Rubén Zamora a continué à faire face à des restrictions légales. Le 13 janvier, la Cour suprême de justice a accepté la demande de protection constitutionnelle de Jose Rubén Zamora, lui permettant de ne pas être renvoyé en prison mais d’être assigné à résidence jusqu'à ce que les procédures judiciaires engagées contre lui soient terminées.
Des défis persistants
Malgré les premières nouvelles positives de l'administration Arévalo, les journalistes guatémaltèques continuent de travailler dans un climat peu hospitalier. Entre janvier et juillet 2024, la Red Rompe el Miedo Guatemala, un groupe d'organisations internationales et guatémaltèques unies pour la protection des journalistes dans le pays, a enregistré 34 attaques contre des journalistes. Les principales menaces proviennent de fonctionnaires et des forces de sécurité, avec des agressions, des intimidations, des menaces et du harcèlement judiciaire. Ces attaques ont incité les journalistes à s'autocensurer et ont érodé la qualité de l'information mise à la disposition du public.
Bien que le président Arévalo ait promis que les individus ne seraient pas persécutés pour leurs opinions, le procureur général Consuelo Porras, qui figure sur la liste Engel des États-Unis, a maintenu sa criminalisation systématique des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme. Selon Expediente Público, un magazine d'investigation en ligne couvrant l'Amérique centrale, onze journalistes ont fait l'objet de poursuites judiciaires en 2024. Ces procédures ont un effet désastreux sur les journalistes et leur travail. Par exemple, Juan Luis Font, directeur du média numérique ConCriterio, a fui le pays en 2022 et est désormais contraint d'effectuer ses reportages depuis l'étranger. Diego España, journaliste du Diario La Hora qui est resté dans le pays, a lui fait l'objet de deux enquêtes judiciaires et de tentatives d'accès à ses informations personnelles par la police nationale sans justification.
Recommandations de RSF
- Mettre en œuvre rapidement la politique de protection des défenseurs des droits de l'homme, en accordant une attention particulière aux journalistes et aux travailleurs des médias. Le gouvernement doit veiller à ce que les journalistes, en particulier ceux qui traitent de sujets sensibles, bénéficient de mesures de protection solides pour mener à bien leur travail sans craindre de représailles ou de violences.
- Mettre un terme à l'utilisation abusive du système judiciaire pour criminaliser les journalistes par le biais de mesures relevant du pouvoir exécutif. Des cas comme celui de Jose Rubén Zamora soulignent la nécessité urgente d'empêcher le harcèlement juridique des journalistes et de veiller à ce que le système judiciaire ne soit pas instrumentalisé pour supprimer la liberté de la presse.
- Promouvoir publiquement le travail journalistique dans le pays par des campagnes contre les discours stigmatisant les médias et les politiques qui soutiennent le journalisme. Les fonctionnaires doivent reconnaître le rôle essentiel du journalisme dans la démocratie et s'employer activement à contrer la rhétorique qui discrédite ou met en danger les travailleurs des médias.
- Former et équiper les forces de police pour qu'elles puissent enquêter rapidement sur les crimes commis contre les journalistes et les professionnels des médias, en veillant à ce que les auteurs soient traduits en justice. Le renforcement des capacités des forces de l'ordre à lutter contre les crimes contre la presse est essentiel pour combattre l'impunité et garantir que les auteurs d'attaques contre les journalistes répondent de leurs actes.