Reporters sans frontières est indignée par l'assassinat de Ronald Waddell (photo), le 30 janvier 2006 à Georgetown. Opposant actif au pouvoir en place, ancien animateur d'un talk show controversé, le journaliste a été abattu par balles alors qu'il regagnait son domicile. L'organisation demande aux autorités guyanaises les garanties d'une enquête impartiale.
Reporters sans frontières est très choquée par la nouvelle de l'assassinat de Ronald Waddell, journaliste et ancien présentateur de HBTV Channel 9, le 30 janvier 2006 à Subryanville (banlieue de Georgetown, Nord). Le journaliste, également militant d'opposition, était connu pour ses prises de position virulentes à l'encontre de l'actuel gouvernement.
« Les circonstances de l'assassinat de Ronald Waddell rappellent les exécutions extrajudiciaires que le journaliste dénonçait à l'antenne. La piste politique est d'ores et déjà évoquée et elle fait craindre pour l'avenir de la liberté d'expression au Guyana. Nous attendons néanmoins qu'une enquête sérieuse détermine les liens éventuels entre les activités de la victime et sa mort. Nous espérons que les autorités guyanaises sauront, en l'occurrence, faire preuve d'impartialité », a déclaré Reporters sans frontières.
Ronald Waddell a été abattu le 30 janvier, vers 20 heures, au moment de rentrer sa voiture dans le garage de sa résidence à Subryanville, dans la banlieue de Georgetown, la capitale. Deux hommes, armés de pistolets calibres 38 et 32, ont surgi d'une voiture stationnée de l'autre côté de la rue et fait feu sur lui à treize reprises avant de regagner leur automobile et prendre la fuite. Atteint à la tête, au dos et à la cage thoracique, Ronald Waddell a succombé à ses blessures dans un hôpital de Georgetown.
Ancien journaliste au quotidien Stabroek News, Ronald Waddell animait depuis 2001 un programme de débats sur la chaîne HBTV Channel 9. L'homme était aussi un membre actif du Congrès national populaire (CNP) - très implanté au sein de la communauté noire - et un opposant farouche du président Bharrat Jagdeo, d'origine indienne.
« Ronald se servait souvent de son émission comme d'une tribune, a expliqué à Reporters sans frontières Eve Blackman, codirectrice de la HBTV Channel 9. Il y dénonçait notamment une “démocratie de façade”. En octobre dernier, il avait notamment encouragé à l'antenne la résistance des Noirs du quartier de Buxton contre les autorités. » L'émission avait suscité de très sévères protestations du président Bharrat Jagdeo, publiées sur le site de la présidence. « En novembre suivant, sous la pression gouvernementale, nous avons dû suspendre l'émission. Il est encore trop tôt pour affirmer que Ronald ait été tué en raison de sa profession mais il est difficile de ne pas y voir un lien. », a ajouté Eve Blackman.
Présidente de l'Association de la presse guyanaise, Julia Johnson a confirmé à Reporters sans frontières : « Ronald Waddell s'était fait des ennemis au sein du gouvernement, qu'il accusait de couvrir des exécutions extrajudiciaires. » Un autre journaliste d'une chaîne privée a confié à l'organisation : « Il n'hésitait pas à dénoncer des collusions entre le gouvernement et le narcotrafic. L'hypothèse qu'on ait voulu le faire taire n'est donc pas exclue, même après l'arrêt de son émission. »
Selon Julia Johnson, la tension entre le pouvoir politique et la presse reste vive au Guyana. Le Parti populaire progressiste (PPP) du président Bharrat Jagdeo, au pouvoir depuis 1992, « se prévaut d'avoir instauré la liberté de la presse, mais l'accès à l'information publique reste très difficile pour les médias privés. Il y a vingt-trois chaînes de télévision mais l'Etat a gardé le monopole de la radio ». Par ailleurs, en 2001, le CNP dont faisait partie Ronald Waddell avait contesté au PPP sa victoire aux élections législatives, suscitant une période de troubles politiques. Selon la mère du journaliste, interrogée par Stabroek News, Ronald Waddell avait reçu de nombreuses menaces et « savait qu'il allait être tué ».