Le président Bharrat Jagdeo reporte l’entrée en vigueur de la suspension de CNS Channel Six

Frappée d’une mesure de retrait de fréquence et de suspension de quatre mois à la demande du président Bharrat Jagdeo, la chaîne privée CNS Channel Six cessera d’émettre à compter du 1er décembre prochain et non du 3 octobre comme prévu initialement. Le chef de l’État l’a lui-même annoncé, le 9 octobre dernier, tout en fixant la date des élections générales et régionales au 28 novembre. “La suspension de CNS Channel Six prendra donc effet au lendemain du scrutin, ce qui lui permettra de couvrir normalement la campagne électorale. Mais ce délai supplémentaire ne résout pas le problème de fond : celui d’une censure décrétée par le président en personne, en représailles d’un simple commentaire émis à l’antenne du média par un intervenant extérieur, en mai dernier”, a déclaré Reporters sans frontières. “Loin d’éteindre la polémique, Bharrat Jagdeo et sa conseillère Gail Teixeira ont, par ailleurs, tenté de justifier la mesure en osant comparer CNS Channel Six à la station rwandaise Radio Mille Collines, qui appelait ouvertement au génocide des populations tutsies en 1994. Ce parallèle est moralement scandaleux et intellectuellement malhonnête. En aucun cas, le commentaire incriminé du parlementaire Tony Vieira contre l’évêque Juan Edghill n’incitait à la haine ou à la violence contre une communauté de la nation guyanaise. Il s’agissait d’une critique vis-à-vis du seul Juan Edghill, en tant que président de la Commission des relations ethniques. La censure de CNS Channel Six n’a aucun motif recevable et doit être levée”, a conclu l’organisation. ___________________ 04.10.11 - Une chaîne de télévision suspendue quatre mois sur ordre du président Jagdeo : “Une mesure désastreuse, à deux mois des élections” Sur ordre du président de la République Bharrat Jagdeo, la chaîne de télévision privée CNS Channel Six s’est vu retirer sa fréquence et suspendre sa diffusion pour une durée de quatre mois à compter du 3 octobre 2011. Reporters sans frontières s’insurge contre une telle censure décrétée en haut lieu, et plus encore à l’approche des élections générales et régionales prévues le 28 décembre prochain. “Cette mesure est d’abord discriminatoire et absurde. En quoi l’appréciation personnelle du chef de l’État sur un commentaire émis à l’antenne de CNS Channel Six justifie-t-elle de réduire le média au silence ? Désastreuse dans son principe, la sanction est d’autant plus malvenue en pleine période de campagne électorale. Que CNS Channel Six appartienne, de surcroît, à Chandra Narine Charma, chef de file du parti d’opposition Justice pour tous (Justice for All Party) autorise à parler d’une véritable atteinte au pluralisme et au débat démocratique”, a déclaré Reporters sans frontières. CNS Channel Six est officiellement sanctionnée pour des propos tenus à son antenne, le 4 mai dernier, par le parlementaire d’opposition Anthony Vieira. Ce dernier avait alors adressé de vives critiques à l’encontre de l’évêque protestant Juan Edghill, président de la Commission pour les relations ethniques, lui reprochant sa proximité avec le président Jagdeo et son manque d’attention à l’égard des catholiques. Le chef de l’État a considéré que les paroles prononcées par Anthony Vieira “cherchaient à semer la discorde entre les confessions chrétiennes” et mis en cause la responsabilité de la chaîne. “Rien n’empêche l’évêque Juan Edghill de contester devant la justice des propos le concernant. A l’inverse, rien n’autorise Bharrat Jagdeo à tirer argument de cet épisode pour imposer la censure”, a ajouté Reporters sans frontières. L’ordre d’un président connu pour ses relations tendues avec une partie de la presse a soulevé une vive polémique. CNS Channel Six avait déjà fait l’objet, en 2005, d’une mesure de suspension à titre conservatoire au motif de “trouble à l’ordre public”. Le tollé entourant cette dernière mesure de suspension doit aussi à la controverse générée par la nouvelle loi sur la diffusion adoptée en juillet par l’Assemblée nationale. La législation institue notamment une autorité de régulation composée de sept personnes toutes nommées par le chef de l’État. Elle dispose également (clause 32) que les programmes devront être “justes et équilibrés” dans leur contenu. “La prétention à vouloir instaurer par la loi un critère de ‘bonne information’ est malheureusement le plus sûr moyen d’entraver l’information”, a conclu Reporters sans frontières.
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Updated on 20.01.2016