Un journaliste d’opposition grièvement blessé après une tentative d’assassinat

Reporters sans frontières est sous le choc après la tentative d’assassinat dont le célèbre journaliste d’opposition Lukpan Akhmediarov a été victime, dans la nuit du 19 au 20 avril 2012, devant son domicile de la banlieue d’Ouralsk (Nord-ouest). « Toutes nos pensées vont au journaliste, à sa famille et à ses collègues. Avec cette attaque, dont la violence est particulièrement révoltante et qui constitue un précédent grave dans l’histoire récente du Kazakhstan, la dégradation constante de la liberté d’informer depuis un an a atteint un point de non-retour. L'agression n’a pu qu’être encouragée par le climat d’impunité générale prévalant pour les nombreux cas de violence à l’encontre des journalistes », a déclaré l’organisation. « Le traitement de cette affaire a donc valeur de test pour les autorités kazakhes. Une enquête exemplaire est indispensable pour retrouver les coupables et décourager ceux qui seraient tentés de s’en prendre aux journalistes. Laisser un tel acte impuni ou ne pas identifier ses commanditaires, contribuerait à jeter le trouble sur la responsabilité des autorités et enverrait un signal négatif à l’ensemble de la presse indépendante, déjà aux prises avec une vague d’interpellations et de convocations arbitraires. » « Lukpan Akhmediarov est connu pour ses prises de position critiques à l’égard des autorités et sa participation active aux mobilisations récentes de l’opposition. Ce drame n’a donc rien d’anodin, et la possibilité d’un lien entre l’agression du journaliste et ses activités professionnelles doit impérativement être examinée », a conclu Reporters sans frontières. Le 19 avril à 22h25, alors que le journaliste était sorti de chez lui pour vider ses poubelles et garer sa voiture, il a été assailli par au moins deux inconnus qui l’ont violemment frappé à la tête avant de lui porter de nombreux coups de couteau. Le journaliste a été opéré en urgence à l’hôpital régional. Les chirurgiens ont diagnostiqué un traumatisme crânien, huit plaies ouvertes ayant atteint des organes vitaux tels que les poumons, les reins et l’estomac, et des traces de projectiles de pistolet à air comprimé. Les médecins jugent l’état du journaliste très sérieux, mais sa vie ne serait plus en danger. Tamara Isliamova, rédactrice en chef de l’hebdomadaire local Ouralskaïa Nedelia pour lequel travaille le journaliste, a rappelé que les pressions contre lui s’étaient fortement intensifiées depuis le mois de janvier, lorsqu’il s’était associé au mouvement des « manifestations des mécontents ». Lukpan Akhmediarov avait sollicité sans succès plusieurs autorisations auprès du gouvernorat pour organiser des manifestations, et il a continué de mobiliser les opposants sur les réseaux sociaux. Le journaliste a reçu dernièrement plusieurs avertissements de la part du parquet régional. Son véhicule a été arrêté plusieurs fois et fouillé sous prétexte d’y chercher de la drogue. Lukpan Akhmediarov s’était récemment plaint de faire l’objet d’une filature. La veille de son agression, son épouse avait été convoquée par son employeur qui avait cherché à l’intimider. Responsable du « Centre de standardisation et de certification », M. Imachev avait conseillé à la femme du journaliste de le convaincre de ne plus critiquer les autorités locales dans ses articles et de mettre fin à ses activités militantes. Le régime autocratique du président Noursoultan Nazarbaïev, qualifié de « prédateur de la liberté de la presse » par Reporters sans frontières, a brutalement réagi à une vague inédite de conflits sociaux et de menaces sécuritaires ces derniers mois. La pression sur les médias indépendants s’est encore accrue depuis l’écrasement dans le sang d’une émeute ouvrière en décembre 2011 : interpellations, convocations par les services de sécurité, manœuvres d’intimidation et blocages de l’information se succèdent. Le Kazakhstan est classé 154e, sur 179 pays, dans le classement mondial 2011/2012 de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières. Le pays a par ailleurs été placé « sous surveillance » par l’organisation, en mars 2012, pour son recours croissant à la cybercensure. (Photo: Ouralskaïa Nedelia)
Publié le
Updated on 20.01.2016