RSF demande au président du Kazakhstan d’abroger la nouvelle loi sur les médias et d’entamer une vraie réforme

Sous couvert d’améliorer l’environnement de travail des journalistes, le président Kassym-Jomart Tokaïev a signé une “loi sur les médias” qui risque d’accroître le contrôle du gouvernement sur la presse. Reporters sans frontières (RSF) appelle à son abrogation en vue d’une véritable réforme et alerte sur l’utilisation grandissante de la législation comme outil de pression contre les journalistes.

Le président kazakh a promulgué la nouvelle “loi sur les médias” le 19 juin. Son objectif officiel : mieux garantir les droits des journalistes dans leur travail de recherche et de diffusion de l’information. Mais ce texte reprend essentiellement les lois existantes, en cherchant à contrôler les médias plus qu’à les protéger. 

La loi prévoit en particulier dans son article 1er une définition des médias introduisant implicitement l’obligation d’une autorisation préalable à une publication, contraire au principe de liberté de la presse. En outre, elle interdit aux journalistes étrangers de travailler sur le territoire sans accréditation. Or, cette nouvelle mesure, dans le contexte politique actuel, fait craindre des refus abusifs envers des reporters de médias critiques des autorités (art.30). Cette loi interdit également aux médias de “faire la propagande” – sans définition claire de ce terme – du suicide (art.11).

“Loin d’améliorer l’environnement de travail des journalistes et leur protection, cette loi signée par Kassym-Jomart Tokaïev peut, au contraire, être utilisée pour les censurer. Il est regrettable que cette ‘refonte’, qui ne comporte que des progrès mineurs, ait abouti à un texte éloigné des standards internationaux. Alors que le Kazakhstan a déjà perdu huit places dans le Classement mondial de la liberté de la presse cette année, RSF appelle le président à revoir sa copie.

Jeanne Cavelier
Responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF

Cette nouvelle loi sur les médias suscite d’autant plus d’inquiétudes que le régime utilise de plus en plus la législation pour accroître sa pression sur les journalistes, notamment celle relative à la “diffusion de fausses informations”, sujette à une interprétation large. 

La fondatrice du média d’investigation diffusant sur les réseaux sociaux ProTenge, Djamila Maritcheva, a été la première journaliste à faire l’objet d’une condamnation pour cette infraction – une amende qui a été confirmée le 6 juin par une cour d’appel d’Almaty.  Cette spécialiste des sujets relatifs à la corruption et aux dépenses publiques avait publié le 30 janvier un post de soutien à 36 journalistes de Radio Azattyq (service en langue kazakhe de Radio Free Europe / Radio Liberty) privés d’accréditation par les autorités. Elle a eu le tort de citer le projet de loi sur les médias, alors que la décision sur les accréditations, selon le tribunal, était décorrélée de celui-ci. Quant à Daniyar Adilbekov, journaliste du média en ligne press.kz et administrateur de la chaîne Telegram Dikaya Orda, il est détenu depuis le 27 mars également pour “diffusion de fausses informations” sans avoir accès aux éléments du dossier, en violation de ses droits.

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