Un journaliste détenu pour avoir évoqué l'après-Biya

Reporters sans frontières demande la libération de Haman Mana, le directeur de Mutations, interpellé après avoir préparé un dossier sur la succession du chef de l'Etat, Paul Biya. L'organisation s'inquiète d'une nette dégradation de la situation de la liberté de la presse au Cameroun.

Reporters sans frontières s'inquiète d'une nette dégradation de la situation de la liberté de la presse au Cameroun après l'interpellation du directeur du quotidien Mutations et la saisie de l'édition du 14 avril. "Depuis plusieurs mois, les autorités ont durci le ton envers les médias indépendants ou d'opposition. L'approche de l'élection présidentielle de 2004 y est certainement pour quelque chose", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Alors que les journalistes avaient bénéficié de meilleures conditions de travail en 2002, la situation devient préoccupante et le mauvais souvenir de la période très répressive du milieu des années 90 revient aujourd'hui à l'esprit de tout le monde", a-t-il ajouté. Reporters sans frontières demande aux autorités camerounaises, et notamment au président de la République, Paul Biya, de tout mettre en œuvre afin de libérer ce journaliste emprisonné. Le 14 avril dans la soirée, des gendarmes sont venus chercher Haman Mana, le directeur de publication du seul quotidien privé Mutations, au siège du journal, à Yaoundé. Aucune accusation n'a été formulée, mais, selon des membres de la rédaction, les gendarmes ont affirmé qu'une plainte avait été déposée par les services de la présidence de la République. Haman Mana est détenu dans les locaux de la gendarmerie de la capitale et il n'est pas autorisé à recevoir de visite. Déjà, dans la nuit du 13 avril, la disquette qui contenait l'édition du 14 avril du journal Mutations avait été saisie dans les ateliers de la Société de presse et d'édition du Cameroun (SOPECAM) par la gendarmerie, sur ordre de Remy Ze Meka, secrétaire d'Etat à la Défense. Moïse Moundi et Etienne Kenfack, chargés du suivi de l'impression du journal, avaient été placés en garde à vue pendant quelques heures dans les locaux du secrétariat d'Etat à la Défense et brutalisés par des gendarmes. La SOPECAM imprime les deux seuls quotidiens du pays, à savoir Mutations et Cameroon Tribune, le journal gouvernemental. L'édition de Mutations du 14 avril (toujours disponible sur le site www.quotidienmutations.net) comportait un dossier consacré à la succession du chef de l'Etat, Paul Biya. Le journal titrait en Une : "Après-Biya : incertitudes de fin de règne". Peu avant son interpellation, Haman Mana avait confié à l'AFP que ce dossier semblait être à l'origine de la saisie. La prochaine élection présidentielle au Cameroun doit avoir lieu en 2004. Le président de la République, au pouvoir depuis 1982, n'a pas encore fait savoir s'il se représenterait pour un nouveau mandat. En mars 2003, Reporters sans frontières avait déjà protesté contre la fermeture des deux chaînes privées de télévision RTA et Canal 2, et de la radio Magic FM.
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Updated on 20.01.2016