Un journaliste condamné pour diffamation après un procès inique

Lire en turc / Türkçe Le 23 septembre 2014, Erol Özkoray, figure éminente du journalisme indépendant turc, a été condamné à 11 mois et 20 jours de prison assorti d’une peine de cinq ans avec sursis par le tribunal correctionnel d’Istanbul. Le journaliste est accusé d’avoir tenu des propos diffamatoires au titre de l’article 125 du code pénal à l’encontre du président turc, Recep Tayyip Erdogan, dans son livre “Le phénomène Gezi”. L’ouvrage rassemble des témoignages anonymes visant Erdogan, inscrits sur les murs lors du mouvement de protestations “Occupy Gezi”, brutalement réprimé par les forces d’ordre à l’été 2013. Les slogans tels que “Ne fais pas l’âne, écoute le peuple,” “Démissionne, tu es déshonoré”, “Tayyip, ce n’est pas de ta faute si tu as été mis au monde” appartiennent, selon le journaliste, à la mémoire collective et méritent d’être rassemblés et publiés. Particulièrement parce que les représailles contre le mouvement “Occupy Gezi” ont été d’une brutalité inouïe et causé huit morts et 10 000 blessés. “La condamnation d’Erol Özkoray est un message clair adressé à la société civile. Le pouvoir turc a fait d’Erol Özkoray un exemple, afin de dissuader ceux qui souhaiteraient suivre son exemple, s’indigne Virginie Dangles, adjointe à la directrice de la recherche de Reporters sans frontières. Entre un procès injuste et un verdict disproportionné, les autorités confirment leur intention de mettre au pas les voix critiques au sein de la société turque”, conclut Virginie Dangles. Le procès contre le journaliste s’était ouvert le 20 mars 2014. Ce verdict a été prononcé en l’absence d’Erol Özkoray et de son avocate Sennur Baybuga. qui avait demandé un report des séance en raison de son état de santé, une requête rejetée par la Cour. Erol Özkoray a donc été condamné à la suite d’un procès inique, dont le verdict a été rendu sans que la défense n’ait été entendue. Erol Özkoray est lauréat du prix 2014 pour la liberté de pensée et d’expression de l’association de défense des droits de l’homme IHD. Le journaliste est connu pour ses articles sur la mainmise de l’armée sur la vie politique turque. Entre 2000 et 2006, il a fait l’objet d’une quinzaine de poursuites judiciaires, alors qu’il était directeur de publication du site d’information Idea Politika. Tous ces procès, généralement intentés pour "dénigrement des forces armées turques", s’étaient soldés par des non-lieux jusqu’à maintenant. La Turquie occupe la 154e place sur 180 dans le Classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.