22e audience pour le représentant de RSF en Turquie : cet acharnement judiciaire doit cesser

Le représentant de Reporters sans frontières (RSF) en Turquie, Erol Onderoglu, se présentera une fois de plus devant les juges de la cour d’assises d’Istanbul ce 15 octobre, pour avoir, avec ses deux co-accusés – la défenseuse des droits humains Sebnem Korur Fincanci et le journaliste et écrivain Ahmet Nesin –, pris part, en mai 2016, à une campagne de solidarité en faveur du quotidien d'opposition pro-kurde Özgür Gündem.

“Avec 22 comparutions pour une campagne symbolique en faveur du pluralisme médiatique, notre représentant en Turquie entame sa neuvième année de poursuites judiciaires injustes. Ce procès illustre non seulement l’ingérence politique dans les affaires de justice mais aussi l'épée de Damoclès qui plane sur les activités de RSF en Turquie. Nous exhortons la justice turque à prononcer un acquittement définitif et à mettre un terme à cet acharnement contre Erol Onderoglu.

Thibaut Bruttin
Directeur général de RSF

Une campagne de soutien à un journal criminalisée et un acquittement annulé

En mai 2016, Erol Onderoglu et une cinquantaine d'autres personnalités s’étaient relayées pour assumer symboliquement et quotidiennement la rédaction en chef du quotidien Özgür Gündem (“Libre Agenda”) persécuté par les autorités turques. C’est sur la base d’articles publiés pendant cette campagne de soutien qu’ils sont poursuivis pour “propagande terroriste”“éloge d’un crime ou d'un criminel” et “apologie d’un crime”. Des accusations pour lesquelles ils sont passibles de 14 ans et 6 mois de prison en vertu de la loi anti-terreur n° 3713 et du Code pénal turc.

Erol Onderoglu et ses co-accusés avaient tout d’abord été acquittés en juillet 2019, au terme d’un premier procès marqué par de nombreux reports. Une décision annulée en octobre 2020, une semaine après que le président Erdogan a publiquement attaqué l’un des co-accusés, Sebnem Korur Fincanci, de “terroriste”. La cour d’appel d’Istanbul a rejeté le caractère symbolique de la campagne de soutien au journal et a considéré que les trois cas auraient dû être traités avec celui du rédacteur en chef du journal, Inan Kizilkaya. Depuis février 2021, la cour d’assises a donc été sommée de reprendre toute la procédure en jugeant les trois co-accusés pour les mêmes charges.

Citant, entre autres, les cas d’Erol Onderoglu, de Sebnem Korur Fincanci et d’Ahmet Nesin, la rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains de l’ONU, Mary Lawlor, alertait en juin 2021 : “Je suis très préoccupée par le fait que les lois antiterroristes soient largement utilisées pour réduire au silence les défenseurs des droits humains turcs et pour perturber leur travail légitime de défense des droits humains.” 

Demande de révocation d’un juge de l’AKP rejetée

La demande de révocation du juge Murat Bircan – siégeant à la 13e chambre de la cour d’assises d’Istanbul – en raison de ses liens très étroits avec le Parti de la justice et du développement (l’AKP), déposée fin avril dernier par les avocats d’Erol Onderoglu, a été rejetée par la cour. La cour attend la déposition d’Ahmet Nesin – qui réside en France – ainsi que le témoignage du rédacteur en chef d’Özgür Gündem convoqué comme témoin. 

Cette 13e chambre de la cour d’assises est celle-là même qui avait condamné le mécène Osman Kavala à la prison à vie et sept autres défenseurs de l’environnement à 18 ans de prison pour “tentative de déstabilisation du gouvernement” le 25 avril 2022. Ceux-ci étaient en fait impliqués dans le mouvement pour la protection de l’environnement, et plus précisément du parc de Gezi, près de la Place Taksim d’Istanbul. 

Représentant de RSF en Turquie depuis février 1996, Erol Onderoglu est un journaliste et un fervent défenseur de la liberté de la presse qui a reçu plusieurs prix internationaux. Sa rigueur et sa droiture, reconnues dans le monde entier, en ont fait une personnalité de référence sur la Turquie. 

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