Un journaliste condamné à trois ans de prison

Le journaliste et militant des droits de l'homme Carlos Brizuela Yera a été condamné à trois ans de prison, le 26 avril. Lors de son procès, un autre journaliste a affirmé être un agent de la police politique infiltré dans la dissidence. Par ailleurs, la femme du poète Raúl Rivero a rapporté que ce dernier, emprisonné depuis mars 2003, souffrait d'une pneumonie.

Reporters sans frontières proteste après la condamnation à trois ans de prison du journaliste et militant des droits de l'homme Carlos Brizuela Yera. "Un an après l'arrestation de 75 dissidents, la condamnation de Carlos Brizuela Yera et de neuf autres militants des droits de l'homme vient rappeler que, à Cuba, le gouvernement a tout simplement criminalisé le fait de penser différemment. Nous demandons la libération immédiate de ce journaliste", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. Alors qu'un second journaliste jugé avec Brizuela Yera a déclaré lors de l'audience être un agent infiltré, l'organisation s'est dite "consternée". "Ces méthodes staliennes atteignent des sommets dans la manipulation. Ce type d'annonce n'a d'autre but que de répandre la paranoïa dans les milieux dissidents dont l'importance croissante inquiète le régime", s'est indigné Robert Ménard. Ce dernier a, par ailleurs, exprimé sa préoccupation après avoir appris que le célèbre journalise et poète emprisonné Raúl Rivero souffrait de pneumonie. "C'est révélateur des mauvaises conditions dans lesquelles sont détenus journalistes et dissidents à Cuba. C'est d'autant plus préoccupant lorsque l'on sait que plusieurs d'entre eux sont détenus dans des conditions encore plus difficiles que celles de Raúl Rivero", a ajouté l'organisation. Cette dernière s'est également inquiétée pour Oscar Espinosa Chepe, récemment informé qu'il serait bientôt transféré de l'hôpital où il se trouve malgré son mauvais état de santé. Procès à Ciego de Avila
Le 26 avril 2004, Carlos Brizuela Yera, de l'agence de presse indépendante Colegio de Periodistas Independientes de Camagüey (non reconnue par les autorités), a été condamné à trois ans de prison pour "outrage", "désordre public", "résistance à l'autorité" et "désobéissance". La peine a été prononcée au terme d'une journée d'audience par le tribunal provincial populaire de la ville de Ciego de Avila (Centre). Carlos Brizuela Yera était jugé avec neuf autres personnes pour avoir manifesté, le 4 mars 2002, devant l'hôpital où avait été admis Jesús Alvarez Castillo, qui venait d'être frappé par des policiers. Parmi les autres personnes figure Lester Téllez Castro, directeur de l'agence indépendante Agencia de Prensa Libre Avileña (APLA) au moment des faits. Ce dernier a cependant révélé au cours de l'audience être en réalité un agent de la Sécurité de l'Etat (police politique), répondant au pseudonyme de "Ignacio". Néanmoins, il aurait exprimé son "repentir", s'excusant d'avoir pris parti pour "une cause inutile et injuste", en parlant de la Sécurité de l'Etat. Selon une source qui a requis l'anonymat, la mère du journaliste, Hildelisa Castro Campo, qui avait pu rendre visite à son fils plusieurs fois en prison depuis son arrestation, ne croit pas aux déclarations faites par ce dernier. Les raisons pour lesquelles Lester Téllez Castro a été emprisonné malgré son statut d'agent infiltré puis condamné, ce 26 avril, à trois ans et demi de prison, restent inconnues. Les huit autres accusés sont des membres de l'organisation locale de défense des droits de l'homme Fundación Cubana de Derechos Humanos (Fondation cubaine des droits de l'homme, FCDH), une association non reconnue par les autorités. Selon Jesús Álvarez Castillo, cité comme témoin au procès, ils ont été condamnés à des peines allant de trois ans de résidence surveillée à sept ans de prison ferme. Juan Carlos González Leyva, directeur de la FCDH, a été condamné à quatre ans de prison mais devrait purger le reste de sa peine en résidence surveillée. Présenté comme le seul prisonnier politique aveugle connu au monde, son cas avait suscité de fortes réactions de la communauté internationale. Il avait notamment reçu le soutien de l'Union européenne. Seuls deux membres de la famille de chaque accusé ont été acceptés dans la salle d'audience. Selon un témoin, celle-ci était principalement occupée par des agents de l'Etat et les environs du tribunal étaient bouclés par la police. Rappel des faits
Le 4 mars 2002, Jesús Álvarez Castillo, de l'agence de presse indépendante Cuba Press, avait été violemment frappé par des policiers alors qu'il s'apprêtait à couvrir une réunion de la FCDH. Alertés par Lester Téllez Castro, une dizaine de militants de la FCDH s'étaient rendus en cortège à l'hôpital où le journaliste avait été admis puis avaient manifesté dans le hall de l'établissement en scandant des slogans hostiles au régime. Jesús Álvarez Castillo avait confié en octobre 2002 à un représentant de Reporters sans frontières qu'il s'agissait d'un coup monté pour arrêter le groupe en flagrant délit d'outrage et de rébellion. Le journaliste déclarait être convaincu qu'il avait été agressé volontairement pour attirer les militants dans un lieu public où ils pourraient être filmés et arrêtés. Des journalistes emprisonnés malades
Le 22 avril 2004, Blanca Reyes, l'épouse du journaliste et poète emprisonné Raúl Rivero, a été informée par son mari qu'il souffrait d'une pneumonie. Elle a demandé aux autorités que celui-ci reçoive l'assistance médicale nécessaire. Selon elle, cette maladie "est le résultat des onze mois passés dans une cellule humide, étroite et obscure", avec une mauvaise alimentation. "Quand ils ont arrêté Raúl chez moi il y a un an, il allait bien. Maintenant, son état de santé est préoccupant", a souligné l'épouse du poète. Fondateur en 1995 de l'agence Cuba Press, il a reçu le prix Reporters sans frontières-Fondation de France en 1997, pour son action en faveur de la liberté de la presse dans son pays. Le 3 mai prochain, l'UNESCO lui remettra également son prix mondial pour la liberté de la presse. Pour sa part, dans un message reçu par Reporters sans frontières, Miriam Leiva, l'épouse du journaliste et économiste Oscar Espinosa Chepe, a exprimé sa préoccupation après avoir rendu visite à son mari le 25 avril. Selon elle, ce dernier a été informé qu'il serait bientôt transféré, sans plus de précisions. Le journaliste, qui souffre d'une cirrhose hépatique et de tumeurs cancéreuses, est actuellement détenu à l'hôpital militaire Carlos J. Finlay de La Havane. Miriam Leiva s'inquiète d'un tel transfert alors que l'état de santé d'Oscar Espinosa Chepe est fragile. Elle rapporte également qu'il é été injustement accusé par ses gardiens d'avoir fait sortir clandestinement des documents de l'hôpital. Elle craint que cette accusation ne soit un prétexte pour le transférer dans un lieu où ses conditions de détention seront plus sévères. Raúl Rivero et Oscar Espinosa Chepe font partie des 75 dissidents arrêtés en mars 2003 et condamnés à de lourdes peines de prison. Leurs collaborations avec des médias étrangers ont été qualifiées d'"actes contre l'indépendance et l'intégrité territoriale". Au total 30 journalistes sont emprisonnés à Cuba où seule la presse officielle est autorisée. D'autres familles de journalistes ont fait état des mauvaises conditions de détention de leur proches.
Publié le
Updated on 20.01.2016