Un journal indépendant ruiné par les amendes

Alexandre Kim, rédacteur en chef du quotidien indépendant Moya Stolitsa-Novosti a annoncé, le 11 juin, la fermeture de son journal pour cause de banqueroute. La publication, qui subit depuis deux ans un harcèlement juridique sans relâche de la part des autorités, est ruinée en raison des dizaines de plaintes en diffamation intentées à son encontre par des officiels. Le journal a été condamné, au terme de plus de trente et un procès, à payer plus de 77 000 euros de dommages et intérêts ou d'amendes. "Cette fermeture est le résultat d'une volonté délibérée des autorités de museler un journal qui a pour habitude de dénoncer des délits de corruption dans lesquels sont impliqués des proches du Président. La méthode pseudo-légale qui a été utilisée ne doit pas faire illusion : il s'agit bel et bien d'un cas de censure, dans un pays qui se pose pourtant comme le bon élève de l'Asie centrale en matière de liberté de la presse", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. Parmi les condamnations récentes qui ont causé la ruine du journal, deux faisaient suite à des plaintes déposées par le Premier ministre, Nikolai Tanaev. Ce dernier s'était estimé diffamé par un article publié le 2 avril 2003 et signé par un responsable d'une coalition d'organisations non gouvernementales, Mikhaïl Korsunsky, qui l'accusait d'avoir détourné des fonds destinés au système de santé publique. Le 3 juin, une cour de Bishkek a condamné Moya Stolitsa-Novosti à payer 9 500 euros d'amende. Le 25 avril, cette même cour a condamné le journal à une amende du même montant pour un article écrit par la journaliste Rina Prizhivoit, publié le 26 novembre 2002 et intitulé "Le Président n'est pas un orphelin, il ne doit pas être offensé", qui accusait les proches collaborateurs du Président, dont le Premier ministre, de faire honte à leur pays par leurs actions. Le 13 mars, le journal a également été condamné à payer 9 500 euros d'amende, suite à une plainte de l'entreprise Merliside (gérée par le gendre du Président, Adil Toygonbaev), qu'un article de la journaliste Larissa Li, publié en 2002, accusait de fraude fiscale. Le 9 juin, Tursubai Bakir uulu, l'ombudsman de la République du Kirghizistan, a fait appel de cette condamnation auprès de la cour Suprême, la jugeant infondée. Le journal a cessé sa parution depuis que, le 23 mai dernier, 15 000 exemplaires contenant des articles au sujet du gendre du Président et du harcèlement juridique dont il fait l'objet ont été confisqués dans l'imprimerie d'Etat Uchkun. L'ordre a été prononcé par un tribunal de Bishkek, en raison du non-paiement de plusieurs amendes, dont celles prononcées en faveur de l'entreprise Merliside et du Premier ministre. La cour a également ordonné la saisie des biens matériels du journal et le gel de ses avoirs.
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Updated on 20.01.2016