Le journaliste espagnol Ricardo Ortega a été tué alors qu'il couvrait une manifestation de l'opposition à Port-au-Prince. "La sécurité des journalistes en Haïti ne sera pas garantie tant que séviront dans ce pays des milices armées qui échappent à tout contrôle d'un pouvoir central reconnu", s'est inquiétée Reporters sans frontières.
Le 28 mars 2004, les autorités haïtiennes ont arrêté l'inspecteur divisionnaire Jean-Michel Gaspard pour son implication présumée dans la violente répression de la manifestation d'opposition du 7 mars dernier, qui avait fait sept morts, dont le journaliste d'Antena 3, Ricardo Ortega. Selon un responsable d'une organisation locale de défense des droits de l'homme, la direction centrale de la police judiciaire reproche au policier d'avoir participé, le 6 mars, à une réunion au cours de laquelle l'attaque du lendemain contre les manifestants aurait été planifiée. C'est la deuxième personne arrêtée par la police dans le cadre de l'enquête sur cette attaque. Le 22 mars, Yvon Antoine, un homme de main de l'ex-président Aristide avait été interpellé. Il est également poursuivi pour son implication dans des violences contre des responsables universitaires, le 5 décembre 2003.
-----------------------------------------
8.03.2004 - Un journaliste espagnol tué, un photographe américain blessé
Reporters sans frontières exprime sa profonde préoccupation après la mort du journaliste espagnol Ricardo Ortega. "Nous exprimons nos condoléances à la famille du journaliste et renouvelons notre appel aux parties en présence à ne pas prendre la presse pour cible", a expliqué Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
"Malheureusement, la sécurité des journalistes en Haïti ne sera pas garantie tant que séviront dans ce pays des milices armées qui échappent à tout contrôle d'un pouvoir central reconnu", a ajouté l'organisation. Cette dernière s'est prononcée pour l'ouverture d'une enquête dans les meilleurs délais sur l'origine des tirs qui ont coûté la vie au journaliste espagnol et blessé son collègue américain Michael Laughlin afin que leurs auteurs soient identifiés et punis.
Le 7 mars 2004, Ricardo Ortega (photo), envoyé spécial de la chaîne espagnole Antena 3 en Haïti, a été mortellement blessé par balles alors qu'il couvrait une manifestation d'opposants à l'ancien président Aristide. Selon Enrique Ibañez, correspondant de l'agence espagnole EFE à Port-au-Prince, une fusillade a éclaté au moment de la dispersion de la manifestation. Au total, la fusillade a fait au moins six morts et une trentaine de blessés. Selon des témoins, les tirs viendraient de partisans de l'ex-Président. Les manifestants réclamaient des poursuites contre les fonctionnaires de l'ancien régime.
Michael Laughlin, photographe du quotidien Sun-Sentinel, publié en Floride (Etats-Unis), a lui aussi été blessé. Immédiatement après avoir été touché, il avait trouvé refuge avec Ricardo Ortega dans une même maison. Selon le photographe américain, Ricardo Ortega a continué à tourner des images après avoir été blessé.
Les deux hommes ont ensuite été transportés à l'hôpital privé de Canapé Vert, à Port-au-Prince. Touché de deux balles au thorax et à l'abdomen, le journaliste espagnol est décédé des suites de ses blessures. Michael Laughlin, blessé à l'épaule et au visage, a survécu à ses blessures et devrait être transféré dans un hôpital de Floride, selon Kevin Courtney, un porte-parole du journal cité par l'agence britannique Reuters.
D'après l'agence américaine Associated Press (AP), les forces internationales (peacekeepers) n'ont pu confirmer l'origine des tirs. Ces dernières avaient encadré la manifestation jusqu'à l'arrivée des opposants sur la place du Champ-de-mars, face au Palais national (palais présidentiel). Là, selon l'Agence France-presse (AFP), leur présence "s'est révélée inopérante pour empêcher l'éruption de tirs lors de la dislocation de la manifestation". Aucune arrestation n'a eu lieu, selon AP.
Agé de 37 ans, Ricardo Ortega avait commencé sa carrière de journaliste comme correspondant de l'agence EFE à Moscou. Il a ensuite travaillé pour la chaîne Antena 3 comme pigiste puis à temps complet à partir de 1994. Il avait couvert la guerre en Tchétchénie, les attentats du 11 septembre à New York, où il était alors correspondant, puis les guerres en Afghanistan et en Irak. Bien qu'en congé, il s'était mis à la disposition de sa chaîne pour couvrir la crise haïtienne. Veillé à l'ambassade d'Espagne à Port-au-Prince, son corps devrait être rapatrié en Espagne le 8 mars.
Plusieurs journalistes étrangers ont été pris à partie par les supporters du président Aristide au cours des dernières semaines.
Le 20 février 2004, un photographe de l'AFP aurait été blessé alors qu'il couvrait une manifestation pacifiste des étudiants à Port-au-Prince. Selon AP, Roberto Andrade, de la chaîne mexicaine Televisa, et deux autres journalistes travaillant pour le réseau mexicain TV Azteca, avaient également été agressés. Ils ont été la cible de jets de pierres et ont dû prendre la fuite. Rattrapés par les militants qui les avaient poursuivis, ils ont été contraints de leur remettre leurs cassettes.
Le 24 février, Michel Jean et Sylvain Richard, journaliste et cameraman de la chaine de télévision Radio Canada, avaient été la cible de tirs de la part de chimères pro-Aristide dans le nord de Port-au-Prince.
La violence visait jusqu'alors uniquement les journalistes haïtiens critiques à l'égard du pouvoir. Deux d'entre eux, Jean Dominique et Brignol Lindor, avaient été tués en avril 2000 et décembre 2001. Chaque année, ils étaient plusieurs dizaines étaient menacés et agressés par les chimères. Depuis 2000, une trentaine de professionnels de l'information ont dû prendre le chemin de l'exil.