Reporters sans frontières et le Centre pour le développement, le journalisme et la communication du Bangladesh (BCDJC) sont extrêmement préoccupés par la vague de violences qui frappe le Bangladesh et notamment sa presse. Au cours des quatre derniers mois, plus d'une cinquantaine de journalistes et une dizaine de rédactions ont été menacés de représailles pour leurs articles jugés « anti-islamiques » par des groupes terroristes.
L'intensification du terrorisme islamiste crée un climat de terreur au sein de la presse bangladaise. Au cours des quatre derniers mois, plus d'une cinquantaine de journalistes et une dizaine de rédactions ont été menacés de représailles pour leurs articles jugés « anti-islamiques » par des groupes terroristes. Face à ce nouveau péril pour la sécurité des journalistes, le gouvernement semble incapable de restaurer la confiance.
Reporters sans frontières et le Centre pour le développement, le journalisme et la communication du Bangladesh (BCDJC) sont extrêmement préoccupés par la vague de violences qui frappe le Bangladesh et notamment sa presse. « Après avoir ignoré la menace terroriste, les autorités ont maintenant la responsabilité d'y répondre. Il y va de la sécurité de centaines de journalistes menacés qui veulent informer librement la population sur le terrorisme qui touche leur pays. Si le gouvernement ne parvient pas à restaurer la confiance parmi les journalistes, les enquêtes disparaîtront des colonnes des publications et l'autocensure deviendra la règle. L'organisation demande aux autorités de mettre en place un plan global de protection des journalistes et des rédactions menacés par les groupes djihadistes », ont affirmé les deux organisations de défense de la liberté de la presse.
Depuis septembre 2005, au moins 55 journalistes ont été menacés de mort par le Jamaatul Mujahideen Bangladesh (JMB). Ce groupe islamiste a également promis de faire sauter huit rédactions et trois clubs de la presse. Le dernier en date, Ataus Samad, conseiller à la rédaction du journal Amar Desh, a reçu, le 22 décembre, une lettre du JMB lui indiquant que son journal était la « prochaine cible ».
« Plus nous enquêtons et nous dénonçons le terrorisme aveugle, plus nous sommes exposés. Et le gouvernement a une part de responsabilité dans cette détérioration de notre sécurité », a déclaré Iqbal Sobhan Chowdhury, directeur du quotidien Bangladesh Observer à Reporters sans frontières.
Les groupes islamistes ont mis en place une stratégie de harcèlement de la presse. Les menaces ont commencé dans la région de Rajshahi (Nord-Est) où Bangla Bai, le fondateur du JMB, a posé les bases de la lutte armée pour l'instauration de la loi islamique. Selon le témoignage de Jahangir Alam Akash, correspondant du Dainik Sangbad et stringer de la radio allemande Deutsche Welle, la majorité des reporters de Rajshahi pratiquent l'autocensure de peur d'être les cibles des islamistes. « Je ne vais plus en reportage dans les zones où Bangla Bai a été actif. C'est trop risqué », a-t-il déclaré au BCDJC.
En septembre, les menaces ont principalement visé les journalistes de confession hindoue. Au moins douze d'entre eux se sont vu reprocher d'écrire des articles sur les activités des groupes islamistes alors qu'ils ne sont pas musulmans.
En octobre, les dijihadistes ont harcelé au moins sept médias locaux - notamment dans les régions où ils sont le plus actifs - et le journal indépendant Bhorer Kagoj.
En novembre, onze journalistes ont été menacés et au moins quatre clubs de la presse, notamment ceux de Tangail et Natore, ont reçu des lettres affirmant que des bombes allaient être placées dans leurs locaux. Puis, ce fut au tour, en décembre, des quotidiens nationaux comme Prothom Alo et Dainik Shamokal, de devenir les cibles de possibles attentats suicides. Tandis que dix-neuf journalistes de Barisal et Gazipur ont été menacés de mort par écrit.
Pour se protéger d'une vague d'attentats qui a déjà fait plus d'une vingtaine de morts dans le pays, les médias et les clubs de la presse ont renforcé leurs mesures de sécurité. Ainsi, des portiques de détection des métaux ont été placés aux entrées de la majorité des rédactions et du club national de la presse de Dhaka. Dans le Sud, à Chittagong, certains bâtiments de presse sont désormais sécurisés. Plusieurs directeurs de publication, notamment du quotidien indépendant Janakantha, sont protégés par des gardes du corps privés.
Le rédacteur en chef du journal Dainik Sangbad, Manjurul Ahsan Bulbul, a confirmé qu'il prenait des précautions supplémentaires dans ses déplacements. Tandis qu'un journaliste du Prothom Alo a confié que des mesures avaient été prises pour contrer un possible attentat.
Dans certains cas, la police a proposé une protection, mais la majorité des responsables de presse l'ont rejetée par manque de garanties. Seuls quelques policiers équipés de vieux fusils ont été postés aux entrées de certaines rédactions et clubs de la presse.
De plus, les services secrets continuent de s'en prendre à la presse qui publie des informations gênantes. Ainsi, le 22 décembre, le directeur du National Security Intelligence a convoqué les responsables de l'agence de presse privée BDNEWS. Ils avaient révélé que certains dirigeants du parti islamiste au pouvoir, Jamaat-e-Islami, avaient été placés sur écoutes.
Depuis 2001, le gouvernement de Khaleda Zia a tenté de museler la presse pour minimiser la montée en puissance des groupes islamistes armés. En 2003, le chef du gouvernement avait dénoncé, après une série d'articles sur l'aggravation de l'intolérance religieuse, les journalistes qui tentent à « l'intérieur comme à l'extérieur, de salir l'image du pays en diffusant des informations fausses. ».
En 2002, plusieurs journalistes, dont l'ancien correspondant de Reporters sans frontières, Saleem Samad, avaient été emprisonnés pour avoir enquêté sur l'émergence du djihadisme. En 2002 également, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Altaf Hossain Chowdhury, avait fait arrêter et torturer un collaborateur de l'agence de presse Reuters qui avait indiqué dans une dépêche qu'un attentat dans un cinéma pouvait être le fait de groupes liés à la mouvance Al-Qaida.
Dès 2002, le journaliste et militant des droits de l'homme Shahriar Kabir avait fait l'objet d'une campagne orchestrée par des partis politiques, dont certains au pouvoir, qui l'accusaient d'être un « traître » à l'islam. Une personne avait même été tuée par des islamistes qui manifestaient à Chittagong contre la libération du journaliste. A l'époque, les autorités n'avaient rien fait pour prévenir ces appels au meurtre.
Les médias étrangers qui enquêtaient sur ce sujet étaient également censurés, comme un numéro d'avril 2002 de la Far Eastern Economic Review, interdit de diffusion parce qu'il comportait un article consacré au Bangladesh et intitulé « Un cocon de terreur ».