Un cinquième chroniqueur accusé d'injure aux autorités judiciaires a été acquitté
Cinq chroniqueurs risquent une peine de prison exemplaire pour avoir critiqué la justice de leur pays dans leurs colonnes. Ils ont osé s'attaquer à la question arménienne, hautement taboue. Reporters sans frontières condamne leur procès, honteux et indigne d'un pays démocratique, et demande l'annulation des poursuites judiciaires à leur encontre.
« Nous sommes soulagés d'apprendre l'acquittement de quatre journalistes qui risquaient la prison pour leurs prises de position. Nous avions plaidé le 8 février 2006 en leur faveur et demandé l'annulation des poursuites. Nous réitérons cette demande à l'égard de l'éditorialiste du journal Radikal, toujours menacé de graves sanctions pénales. Nous espérons que les autorités sauront à l'avenir lutter contre l'inflation des procès à l'encontre des journalistes et des défenseurs de la liberté d'expression », a déclaré Reporters sans frontières. Le 11 avril 2006, un tribunal d'Istanbul a prononcé un non-lieu pour quatre journalistes poursuivis pour avoir critiqué une décision de justice dans leurs colonnes, en septembre 2005. Ismet Berkan, Erol Katircioglu et Haluk Sahin du quotidien Radikal et leur confrère de Milliyet, Hasan Cemal, avaient été inculpés en vertu des articles 301 et 288 du code pénal. En revanche, Murat Belge, éditorialiste à Radikal, est toujours poursuivi par la justice. Il risque entre six mois et dix ans de prison. ------ 8 février 2006 Reporters sans frontières demande l'annulation des poursuites contre cinq chroniqueurs Le procès de cinq chroniqueurs de Radikal et Milliyet, deux quotidiens parmi les plus respectés en Turquie, a débuté le 7 février. Ismet Berkan, Murat Belge, Erol Katircioglu, Haluk Sahin et Hasan Cemal, risquent jusqu'à 10 ans de prison pour avoir osé critiquer une décision de justice et s'être exprimés sur la question arménienne, sujet tabou en Turquie. Ils sont accusés d'injure aux autorités judiciaires en vertu de l'article 301 du code pénal et d'avoir influencé le cours de la justice d'après l'article 288. Reporters sans frontières était présente à l'ouverture de ce procès, qui a failli tourner au fiasco, après qu'un des plaignants, Hanefi Aktas, un avocat nationaliste d'une association de juristes, avait menacé la cour et accusé le tribunal d'être partial et de soutenir les élus européens, fortement opposés à ce procès. Les forces de l'ordre ont dû intervenir pour le faire évacuer. Le calme est ensuite revenu dans la salle. L'audience a duré plus de quatre heures en raison de ces tensions et de la multitude de demandes d'annulation déposées par la défense. « Ce procès est honteux pour la liberté d'expression et indigne d'un Etat démocratique. La Turquie ne peut pas condamner des journalistes à des peines de prison parce qu'ils ont commenté une décision de justice dans leurs colonnes. Les chefs d'accusation sont irrecevables et nous demandons aux autorités judiciaires d'annuler les poursuites contre ces cinq journalistes pour vice de forme. Nous exprimons tout notre soutien à ces chroniqueurs, dont nous saluons le courage, et nous nous joignons à leur demande pour obtenir leur relaxe», a déclaré Reporters sans frontières. Les membres de l'association ultranationaliste de juristes qui ont attaqué les journalistes n'ont pas respecté le délai requis, en déposant leur plainte plus de deux mois après la parution des articles incriminés. D'après cette disposition, seul le journaliste Murat Belge pourrait être poursuivi en justice. D'autre part, l'article 301 du code pénal ne permet pas à une personne ou un groupe de personnes de se constituer partie civile car il ne concerne que l'Etat et les institutions. L'association des juristes ne peut donc pas attaquer les cinq chroniqueurs sur cette base. Les poursuites en vertu de l'article 288 ne sont, elles non plus, pas recevables parce que les journalistes n'ont fait que critiquer une décision de justice prononcée au mois de septembre. Il est donc faux de les accuser d'avoir influé sur le cours de la justice puisqu'elle avait déjà été rendue. La prochaine audience a été fixée dans la confusion au 11 avril.