Un cameraman tué à Quetta, un journaliste blessé dans les zones tribales

Reporters sans frontières est scandalisée par la mort de Malik Arif, cameraman de la chaîne pakistanaise Samaa TV, tué le 16 avril 2010 lors d'un attentat-suicide dans un l'hôpital de Quetta. Cinq autres journalistes, Noor Elahi Bugti de Samaa TV, Salman Ashraf de Geo TV, Fareerd Ahmed de Dunya TV, Khalil Ahmed d'Express TV et Malik Sohail d'Aaj TV, ont été blessés par l'explosion. Les reporters prenaient des images d'un rassemblement de chiites venus soutenir un businessman de leur communauté victime d'une tentative d'assassinat. Sept autres personnes ont été tuées dans cet attentat qui porte la marque des groupes djihadistes sunnites. "Quand tous les amis du businessman et les journalistes étaient réunis dans l'hôpital, un kamikaze s'est approché, a tiré puis s'est fait exploser au milieu de la foule", a expliqué à Reporters sans frontières, Malik Siraj, journaliste à Quetta. Malik Arif, père de quatre enfants et membre de la profession depuis une trentaine d'années, est le second journaliste tué au Pakistan depuis le début de l'année 2010. La veille de sa mort, Malik Arif avait enregistré un message pour sa chaîne dans lequel il soulignait l'importance cruciale des reporters spécialisés dans les affaires criminelles. "C’est jouer avec la mort que de travailler comme journaliste à Bajaur", a expliqué un journaliste de cette zone tribale pakistanaise à Reporters sans frontières, après la tentative d’enlèvement à laquelle a échappé son collègue Imran Khan, correspondant de l’agence de presse NNI et de la chaîne de télévision Din TV. "Nous condamnons fermement les violences ciblées commises à l’encontre des journalistes des zones tribales. Les responsables taliban doivent s’engager clairement à ne pas viser les professionnels des médias. L’armée, quant à elle, doit fournir de meilleures garanties de sécurité aux médias dans les zones tribales mais également au Baloutchistan où la situation se dégrade actuellement", a affirmé l’organisation. Le 14 avril 2010, Imran Khan et sa sœur âgée de 14 ans ont été blessés par une dizaine d’hommes armés qui tentaient de kidnapper le journaliste à leur domicile de Khar. Selon des témoins, ils ont réussi à s’échapper "purement par chance". Ils sont actuellement hospitalisés à Peshawar. Leur père, Muhammad Ibrahim Khan, également journaliste, avait été tué par balles le 22 mai 2008 alors qu’il revenait d’interviewer un porte-parole des taliban. Plusieurs journalistes originaires de Bajaur estiment que les auteurs de cette tentative d’enlèvement sont les mêmes qui ont tué Muhammad Ibrahim Khan. Face à ces accusations, Azam Tariq, un porte-parole pakistanais des taliban, a estimé que "des médias pro-américains diffusent de la désinformation hostile aux taliban". Suite aux menaces des insurgés, plusieurs journalistes ont récemment quitté la région de Bajaur, que l’armée affirme contrôler depuis mars. "Nous recevons des menaces, parfois de mort. Le gouvernement est au courant, mais aucune action n’a été entamée pour que nous nous sentions en sécurité", a expliqué à Reporters sans frontières un journaliste qui a décidé de rester dans la zone tribale. En février dernier, les menaces proférées par des groupes insurgés à l’encontre de la direction de Radio Pakistan ont contraint cette station d’Etat à annuler la diffusion des programmes en pachtou produits par Voice of America. Les taliban menaçaient de détruire des installations de cette radio si elle continuait à "diffuser de la propagande américaine". VOA a lancé la station en pachtou Deeva Radio à destination des habitants des zones tribales pakistanaises. Une autre radio en pachtou, Shamal (La torche), a été lancée par le groupe Radio Free Europe, soutenu par le Congrès américain. Egalement en février, un groupe taliban de la zone tribale Orakzai a menacé de représailles la chaîne pakistanaise Samaa TV, accusée d’avoir diffusé des images d’un chef insurgé infligeant des châtiments corporels à un jeune homme qui n’avait pas laissé pousser sa barbe. Au Baloutchistan cette fois, le Baloch Musallah Difah Tanzeem (Groupe de défense armé baloutche, opposé à l’indépendance de cette province du sud-ouest du Pakistan) a envoyé des menaces de mort par lettres et par téléphone au Club de la presse de Khuzdar, menaçant de représailles les journalistes qui continueraient à couvrir les activités des partis nationalistes baloutches. Des hommes armés ont également visité le club de la presse à plusieurs reprises. Depuis le début de l’année 2010, ce groupe armé s’est fait remarquer par des menaces sur la presse. Interrogé par Reporters sans frontières, Khan Muhammad, président du Club, a précisé que des manifestations de solidarité ont eu lieu le 15 avril dans plusieurs villes de la province. Au Baloutchistan, les médias sont pris dans le feu croisé des services de sécurité, alliés à des groupes djihadistes, et des organisations armées baloutches. Le Pakistan est classé au 159e rang sur 175 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
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Updated on 20.01.2016