Un an après la révolte d'Andijan, les médias étrangers et les journalistes indépendants ne peuvent plus exercer librement

Un journaliste de l'AFP, qui s'était rendu en Ouzbékistan, a été molesté, le 11 mai 2006, par un groupe d'inconnus. Les autorités semblent avoir orchestré cette provocation pour forcer le journaliste à quitter la ville. Depuis la répression de mai 2005, les reporters étrangers et les médias indépendants ne sont plus les bienvenus. читать на русском

читать на русском « La terrible répression d'Andijan a été une date noire non seulement pour les droits de l'homme mais aussi pour la liberté de la presse dans le pays. Elle restera à jamais comme une zone d'ombre qui a marqué un tournant décisif vers l'autoritarisme du régime d'Islam Karimov, responsable de la mort de plusieurs centaines de civils. Depuis cette date, le Président est entré en guerre contre les médias étrangers et indépendants, considérés comme des ennemis qui cherchent à le renverser. La dernière résolution du gouvernement votée en février 2006 assimile clairement les journalistes à des terroristes et permet de leur retirer leurs accréditations. Au moins trois de ces médias ont été, tour à tour, interdits en 2005. Deux journalistes avaient payé le prix fort pour leur couverture de la répression et avaient été emprisonnés. Aujourd'hui, presque tous les médias étrangers ont été chassés du pays et leurs correspondants locaux font l'objet d'un harcèlement systématique qui les empêche d'exercer librement leur métier», a déclaré Reporters sans frontières. Antoine Lambroschini, correspondant de l'AFP à Almaty (Kazakhstan), a été brièvement séquestré dans sa chambre d'hôtel d'Andijan, où il s'était rendu en reportage pour l'anniversaire de la répression, le 11 mai. Une vingtaine d'hommes et de femmes de la communauté makhala l'ont accusé d'appartenir aux services spéciaux. Il a été bousculé et frappé à la tempe. Le correspondant de l'AFP a été forcé de quitter la ville d'Andijan et reste injoignable par téléphone. Dans la nuit du 12 au 13 mai 2005, un groupe armé avait investi la prison d'Andijan (est du pays). La révolte s'était transformée en soulèvement populaire et le gouvernement avait donné l'ordre aux forces de police d'ouvrir le feu sur la foule. Les autorités reconnaissent la mort de 187 personnes tandis que les défenseurs des droits de l'homme ont évoqué entre 500 et 1 000 victimes. Les médias occidentaux ont été accusés d'avoir organisé la révolte. La nuit suivante, les autorités avaient expulsé au moins sept journalistes, dont le correspondant de l'Agence France-Presse (AFP), pour les empêcher de couvrir les exactions. La retransmission par câble des chaînes de télévision américaine, russe et anglaise CNN, NTV et BBC avait été interrompue et plusieurs sites Internet indépendants russes et ouzbeks avaient été bloqués. En juin, la correspondante de la BBC, Monica Whitlock, avait été contrainte de quitter le pays pour fuir les pressions du gouvernement. Six correspondants locaux de la chaîne anglaise avaient également fui l'Ouzbékistan et deux d'entre eux ont obtenu le statut de réfugiés auprès des Nations unies. Tulkin Karaev, journaliste indépendant et collaborateur de l'ONG Institute for War and Peace Reporting (IWPR), avait été placé sous surveillance permanente par la police, à la suite de la fusillade sanglante d'Andijan. Harcelé, il a, lui aussi, été contraint à l'exil le 2 juillet. Le correspondant de la radio américaine Radio Free Europe/ Radio Liberty, Nosir Zokirov, avait été arrêté le 26 août et condamné pour outrage à un membre du gouvernement après avoir donné la parole à un villageois critiquant la répression. Il a été libéré le 26 février 2006, à la fin de sa peine de six mois de prison. Il est aujourd'hui sans ressources et dans l'impossibilité de retrouver un travail. Un étudiant en journalisme d'origine kirghize, Erkin Yakubjanov, avait également été arrêté par les autorités ouzbèkes, le 20 juillet 2005, alors qu'il enquêtait pour le réseau de radios Dolina Mira sur la répression d'Andijan. Il avait été relâché quelques jours plus tard. L'ONG américaine Internews, qui propose des programmes de formation pour les journalistes, a été interdite le 9 septembre 2005. Les bureaux de la BBC ont dû fermer leur porte en octobre 2005 et ceux de la radio américaine Radio Free Europe/ Radio Liberty, le 12 décembre suivant. Le gouvernement ouzbek a récemment décidé, dans une résolution adoptée le 24 février 2006, qu'il ne délivrerait plus d'accréditation aux journalistes des médias étrangers et à tous leurs collaborateurs qui « interfèrent dans les affaires intérieures », « violent l'intégrité du territoire » ou encore « appellent au renversement de l'ordre constitutionnel par la force ». Deux journalistes avaient déjà été victimes de la lutte antiterroriste engagée par le gouvernement en 1999, à la suite d'un supposé attentat manqué contre le Président. Le 18 août, Jusuf Ruzimuradov et Mohammed Bekjanov avaient été condamnés à huit et quinze ans de prison pour leur collaboration avec le journal d'opposition Erk, depuis interdit par les autorités. Ils sont toujours en prison.
Publié le
Updated on 20.01.2016