Ukraine : RSF appelle à faire une priorité de l’inclusion des médias dans les programmes de reconstruction

Depuis plus de deux ans, le paysage médiatique ukrainien subit de plein fouet les conséquences économiques de l’invasion à grande échelle lancée par la Russie le 24 février 2022. En amont de la troisième Ukraine Recovery Conference, Reporters sans frontières (RSF) appelle à l’inclusion des médias dans les programmes de reconstruction, pour assurer la survie du journalisme ukrainien à long terme. 

Alors que la conférence internationale sur la reconstruction de l’Ukraine se tiendra à Berlin les 11 et 12 juin prochains, RSF appelle les chefs d’Etat et de gouvernements, les dirigeants d’organisations internationales et d’institutions financières à s’engager en faveur de la soutenabilité des médias ukrainiens dans le cadre des discussions sur la reconstruction. 

RSF fait partie des signataires d’une tribune endossée par plus de 120 représentants de la presse et d’organisations locales et internationales, à inclure les médias ukrainiens dans les plans de redressement du pays. “Les médias professionnels peuvent communiquer efficacement au public les développements de la reconstruction, l'allocation des financements des partenaires internationaux, la mise en œuvre des programmes d'aide et la surveillance publique des dépenses”, rappelle la tribune.

Dans la continuité de ce soutien conjoncturel, RSF étudie l’hypothèse d’un fonds international indépendant de toute institution gouvernementale pour fournir une assistance financière directe aux médias ukrainiens. 

"La survie des médias ukrainiens est vitale pour celle de la démocratie et une condition sine qua none de toute politique de reconstruction. Concurrencés par la propagande du Kremlin et ciblés par les forces russes, ils doivent être soutenus financièrement pour assurer leur pérennité et préserver le droit à l’information dans le pays. Il ne saurait y avoir d’investissements à grande échelle des banques et agences de développement sans un journalisme de qualité, capable d’enquêter sur la corruption, de mettre au jour les pratiques des décideurs publics. L’engagement pour le journalisme doit figurer parmi les priorités de l’Ukraine Recovery Conference.

Jeanne Cavelier
Responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF

Des besoins financiers à l’échelle régionale

Effondrement brutal de 63 % des revenus du marché publicitaire ukrainien en 2022, bombardements des infrastructures, départ de journalistes… Depuis plus de deux ans, les médias ukrainiens subissent les conséquences économiques de la guerre menée par la Russie. Pas moins de 234 d’entre eux ont dû mettre la clef sous la porte après l’invasion à grande échelle russe, selon l’Institute of Mass Information (IMI), partenaire de RSF en Ukraine. 

Certains médias ont certes bénéficié d'une reprise progressive du marché publicitaire en 2023, en diversifiant leurs revenus via le canal de diffusion en ligne YouTube et en organisant des événements privés, comme le raconte une enquête du média ukrainien Forbes.ua parue en mars 2024Mais près d'un tiers des entreprises de presse du pays identifient le manque de financement comme un défi majeur affectant leur travail, selon une étude publiée début mai par l’ONG locale Media Development Foundation

Avec la destruction de rédactions et la fin des revenus publicitaires locaux, l’invasion russe a notamment exacerbé la pénurie de médias indépendants dans plusieurs régions. C’est ainsi que certains districts des régions de Poltava, Dnipro ou Odessa, dans l’est et le sud du pays,  sont devenus des “déserts de l’information”, selon l'étude de la Media Development Foundation. L’information y est alors principalement diffusée sur les réseaux sociaux, comme Telegram, Facebook et Instagram. Certaines parties des régions de Donetsk et Louhansk, occupées depuis plus de dix ans, sont également devenues des “déserts de l’information”, les médias locaux ont tous été remplacés par ceux diffusant la propagande du Kremlin. 

En deux ans de guerre à grande échelle, RSF a aidé 35 médias ukrainiens, dont près de la moitié se situent dans des villes proches du front particulièrement exposées aux bombardements russes, grâce à des bourses d’urgence. 

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