Ukraine : plus d’une cinquantaine de communes interdites d’accès aux journalistes

Plus d’une cinquantaine de communes ukrainiennes sont désormais interdites d’accès aux journalistes. RSF appelle les autorités ukrainiennes à lever immédiatement ces restrictions excessives afin que les reporters puissent continuer à travailler.

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Plus d’une cinquantaine de communes ukrainiennes sont désormais inaccessibles aux journalistes dans l’exercice de leurs fonctions. Ces restrictions découlent de l’ordre du Commandant en chef des forces armées d’Ukraine. Il a modifié, le 3 mars dernier, les règles encadrant le travail des journalistes pendant la guerre. Le nouveau dispositif prévoit que chaque commandement militaire classe les territoires sous sa responsabilité selon trois nouvelles catégories : les zones verte, jaune et rouge. Dans les zones vertes, les journalistes accrédités peuvent travailler librement. Dans les zones jaunes, leur travail est soumis à un encadrement administratif et militaire. Il est interdit dans les zones rouges.

“Cette décision est tout simplement incompréhensible, s’indigne la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières (RSF), Jeanne Cavelier. L’accès à certaines zones est refusé aux journalistes de manière discrétionnaire alors que l’un des enjeux majeurs depuis le début du conflit est la diffusion d’une information fiable obtenue grâce au travail libre des journalistes. RSF appelle les autorités ukrainiennes à lever immédiatement ces restrictions abusives et à engager une réflexion de fond afin de faciliter le travail des journalistes.”

Après avoir découvert les listes établissant les zones en question, les professionnels des médias peinent à saisir la logique de cette nouvelle réglementation.  “On a du mal à comprendre comment des villes pilonnées par l’armée russe peuvent se retrouver en zone verte alors que certaines communes tout à fait paisibles sont classées en zone rouge”, s’interroge Oksana Romaniuk, directrice de l’Institute for Mass Information (IMI), partenaire ukrainien de RSF. Il est aussi curieux, par exemple, que la zone jaune inclut plusieurs centres régionaux, comme Mykolaïv ou Kherson, au sud du pays. Impossible de s’y retrouver à l’heure actuelle : la publication chaotique et progressive de ces listes, intégrales ou incomplètes selon les régions, empêche d’établir les contours exacts de cette nouvelle cartographie. 

Autre point d’incompréhension : cette nouvelle réglementation est censée s’appliquer à tous les journalistes qui travaillent dans les zones concernées, ukrainiens ou étrangers, qu’ils couvrent la guerre ou l’actualité locale. Ainsi, un journaliste local qui voudrait écrire un article sur les nouvelles aires de jeux pour enfants doit désormais demander une accréditation pour avoir accès à la commune où il travaille. 

Si les enjeux sécuritaires en temps de guerre peuvent justifier des modifications d'accès à certaines zones, cette réglementation doit être proportionnée et claire pour tous les journalistes. Alors que le précédent système d’accréditation instauré par les autorités ukrainiennes depuis mars 2022 a permis à des milliers de journalistes de travailler aussi librement que possible, même si certains dysfonctionnements avaient été relevés. En effet, en novembre 2022, RSF s’était notamment mobilisée contre le retrait temporaire de l’accréditation de plusieurs dizaines de journalistes ayant couvert la libération de Kherson.

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