Trois ans après le coup d’Etat, la liberté de l’information au plus bas en Thaïlande

Reporters sans frontières (RSF) dénonce la répression de l’information imposée par la junte en Thaïlande depuis le coup d’Etat du 22 mai 2014. L’organisation appelle la communauté internationale à faire preuve de fermeté vis-à-vis des autorités thaïlandaises qui ont intensifié au cours des derniers mois la censure en ligne et les recours juridiques contre la presse.

Ce 21 mai marque les trois ans du coup d’Etat en Thaïlande, qui a amené le Conseil national pour la paix et l’ordre (National Council for Peace and Order, NCPO) au pouvoir. Le Premier ministre Prayuth Chan-ocha s’était alors engagé à restaurer les principes démocratiques, mais les atteintes aux libertés fondamentales se font chaque jour plus nombreuses.


Reporters sans frontières réitère son appel au gouvernement thaïlandais afin qu’ils cessent de pourchasser les auteurs d’informations critiques pour les autorités.


RSF demande aux autorités thaïlandaises :

  • d’abroger les lois et les articles de lois empêchant la libre circulation de l’information et entraînant l’autocensure tels que l’article 112, la loi sur la diffamation criminelle et le Computer Crime Act.
  • de libérer inconditionnellement les journalistes Somyot Prueksakasemsuk et Somsak Pakdeedech, et tout autre journaliste citoyens, blogueur ou cyberactiviste qui serait détenu ou emprisonné pour crime de lèse-majesté ou toute autre raison en lien avec leur droit d’informer et d’émettre des critiques librement.
  • d’abandonner la censure des médias, notamment des sites d’informations en ligne.
  • de cesser le harcèlement des acteurs de l’information résidant à l’étranger ou en exil.
  • de faire cesser les campagnes d’intimidation et de dénigrement perpétrées par les groupes politiques à l’encontre de certains journalistes et médias étrangers.


Le gouvernement thaïlandais doit comprendre que la stabilité et le développement du pays qu’ils affirment si souvent rechercher, passe par la liberté de l’information et d’expression pour tous les citoyens thaïlandais, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Sans véritable liberté de la presse et de l’information, tous les projets de réconciliation nationale par le gouvernement de Prayut Chan-o-cha sont voués à l’échec. Seule l’acceptation du pluralisme des idées politiques et la libre circulation des informations, aussi désagréables soient-elles à entendre, permettra au pays de s’extraire de cette spirale de crises politiques et du déclin démocratique qui les accompagne.


RSF demande également à la communauté internationale de :

  • dénoncer le régime dictatorial du gouvernement de Prayut Chan-o-cha et d’exiger un retour à la démocratie garantissant l’exercice des droits et libertés civiles et politiques.
  • dénoncer les violations de la liberté de la presse et de l’information perpétrées par le gouvernement thaïlandais et demander avec fermeté l’arrêt de la répression et de la censure des acteurs de l’information.
  • conditionner la coopération et l’aide internationale à une amélioration substantielle de la situation de la liberté de l’information dans le pays.
  • aider les organisations de la presse thaïlandaises à garantir leur indépendance (TJA, TBJA, NBCT, NPC) et de soutenir les organisations de la société civile telles que Thai Lawyers for Human Rights, Media Inside Out, I Law, Thai Netizen Network, FCCT et toutes les autres organisations de défense de la liberté d’expression et d’information dans le pays.


Trois ans de déclin démocratique


La mort du roi Rama IX en octobre 2016 n'aura rien changé, le crime de « lèse-majesté », punie par l'article 112 du code pénal, demeure la première arme de dissuasion massive contre les journalistes, les blogueurs et les net-citoyens. En avril dernier, le gouvernement a interdit tout échange en ligne avec trois dissidents politiques accusés de “lèse-majesté”. Le journaliste Andrew MacGregor Marshall et les deux universitaires Somsak Jeamteerasakul et Pavin Chachavalpongpun étaient déjà contraints à l’exil depuis plusieurs années.


Le renforcement de la loi – déjà redoutée – relatives aux crimes informatiques en 2016, a élargi les pouvoirs des autorités en matière de surveillance et de censure. La répression à l’encontre des journalistes étrangers s’est également accrue au cours des 36 derniers mois. Le correspondant de la BBC Jonathan Head a été inculpé le 23 février 2017, accusé de diffamation et de violation de la loi sur les crimes informatiques alors qu’il avait mené une enquête sur des fraudes de propriétés privées.


La diffamation est également régulièrement utilisée contre les journalistes spécialistes de l’environnement. La chaîne Thai Public Broadcasting Service (Thai PBS) et quatre de ses employés ont été accusés de diffamation par une entreprise minière entre 2015 et 2016. Plus récemment, en mars 2017, Pratch Rujivanarom a été poursuivi en justice par une société après la publication d’un rapport sur la pollution de l’eau.


Le 2 décembre 2016, l’étudiant Jatupat Boonpattararaksa (surnommé “Paï”) a été arrêté pour avoir diffusé un article de la BBC dépeignant le nouveau souverain de façon peu favorable. Paï a dernièrement été récompensé par le prix sud-coréen Gwangju (Gwangju Prize) pour son combat en faveur des droits de l’homme.


Prayut Chan-o-cha, “prédateur de la liberté de la presse”


La vision de la presse du Premier ministre autoproclamé Prayut Chan-ocha suffit à dépeindre la situation des médias en Thaïlande. Selon lui, les journalistes doivent « jouer un rôle important en soutenant les actions du gouvernement, entraînant de manière concrète une compréhension des politiques de ce dernier par le public, et ainsi réduire les conflits dans la société ».


Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte, les sujets jugés sensibles se sont multipliés et la répression à l’encontre des journalistes, médias, blogueurs mais aussi des artistes et des intellectuels s’est systématisée. En ligne, cette politique se traduit par la fermeture de plus de 400 sites depuis le mois d’octobre 2016. En parallèle, le Premier ministre veille à faire taire toute voix critique à l’encontre de sa personne ou du gouvernement.


Un an et demi après le coup d'Etat militaire, Reporters sans frontières a publié un rapport d’enquête dressant un état des lieux plus qu’inquiétant pour la liberté de l’information en Thaïlande intitulé “Thaïlande : coup d’Etat permanent contre la presse”.


Depuis le coup d’Etat militaire de mai 2014, la liberté de la presse est sévèrement réprimée en Thaïlande, qui se situe à la 142e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2017 de RSF.

Publié le
Mise à jour le 23.08.2019