Thaïlande : Le journaliste Pravit Rojanaphruk censuré : RSF promet à la junte un “effet Streisand” sans précédent

Reporters sans frontières (RSF) dénonce la censure à l’encontre du journaliste Pravit Rojanaphruk, empêché par la junte militaire de se rendre en Finlande le 3 mai prochain pour une conférence de l’Unesco organisée à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse.

Le 30 mars 2016, le gouvernement a refusé au journaliste Pravit Rojanaphruk, connu pour ses articles au ton critique et sans concession à l’encontre des autorités, la permission de quitter le territoire afin de se rendre à Helsinki pour participer à la journée mondiale de liberté de la presse organisée par l'Unesco. Surveillé par la junte et détenu à deux reprises dans un « camp de réajustement comportemental », le reporter avait été contraint de signer un document l'engageant à demander la permission aux autorités chaque fois qu'il souhaiterait quitter le pays. Interrogé par la presse étrangère, un colonel a déclaré que Pravit Rojanphruk continuait de « violer les ordres du Conseil National pour la Paix et l'Ordre », en critiquant le pouvoir dans ses articles et sur les réseaux sociaux.


Par la voix de son ambassadeur en Thaïlande, le ministère des Affaires étrangères finlandais, à l’origine de l’invitation, a « regretté » la décision des autorités thaïlandaises sur les réseaux sociaux.




Cette violation évidente d'une liberté fondamentale, la liberté de mouvement, d'un journaliste indépendant, ne restera pas sans conséquences , déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Il y a fort à parier que le journaliste pourra s'exprimer à distance, en utilisant la vidéo-conférence, ou même par courriel, afin d’envoyer un discours ou une déclaration à l’Unesco à Helsinki. Nous nous chargerons de traduire ce contenu en français et en thaï, puis nous utiliserons nos réseaux pour le diffuser en trois langues au plus grand nombre de médias en Europe, aux États-Unis et dans les pays d'Asie du sud-est, y compris bien sûr en Thaïlande. Si possible nous l'utiliserons à des fins de campagne de sensibilisation à la liberté de l'information. Nous allons enseigner à la junte et à son chef, Prayut Chan-ocha, ce qu'est ' l'effet Streisand '.”


L’effet Streisand, qui doit son nom à la chanteuse américaine Barbara Streisand, est un phénomène au cours duquel la volonté d’empêcher la divulgation et la diffusion d’informations ou d’opinions contribue à la visibilité de ces informations. En poursuivant un photographe en justice en 2003, Barbara Streisand avait encouragé malgré elle près d’un demi millions d’américains à regarder une photo de sa résidence qu’elle souhaitait cacher au public.


Depuis le coup d’Etat militaire de mai 2014, la liberté de la presse est sévèrement réprimée en Thaïlande, classée 134e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2015. Le 12 novembre dernier, Reporters sans frontières a publié un rapport d’enquête dressant un état des lieux, un an et demi après le coup d’Etat mené par la junte de Prayut Chan-o-cha. Intitulé « Thaïlande : coup d’Etat permanent contre la presse », ce rapport appelle notamment les autorités thaïlandaises à mettre un terme à l’instrumentalisation du crime de lèse-majesté et à abroger les lois et articles de lois répressifs tels que l’article 112, la loi sur la diffamation criminelle et le Computer Crime Act.

Publié le
Updated on 05.04.2016