Tchéquie : RSF exhorte les députés à approuver l'augmentation de la redevance audiovisuelle
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Le Parlement tchèque n’a pas réussi à voter l’augmentation du financement des médias publics à l’initiative du gouvernement. Après une rencontre avec le directeur de la radio publique tchèque à Paris, Reporters sans frontières (RSF) appelle les députés à envoyer un signal fort en faveur du journalisme indépendant en augmentant la redevance audiovisuelle et en mettant fin aux tentatives politiques de discréditer la direction et les journalistes de ces médias.
Bien que le gouvernement tchèque dispose d’une majorité au Parlement, le vote sur l’augmentation du financement des médias publics a, une fois de plus, été empêché le 14 février dernier. En raison des obstructions de l’opposition – qui a attaqué les radiodiffuseurs publics avec des accusations infondées dans ses interventions – le vote a été reporté au 5 mars.
Pour exprimer son soutien aux médias publics tchèques et à leurs journalistes, RSF a invité le directeur général de la Radio tchèque à son siège parisien le 18 février. Les représentants de l’organisation avaient également rencontré le directeur général de la Télévision tchèque le 5 février lors d’une mission à Prague.
“La Radio tchèque et la Télévision tchèque sont des modèles pour les médias publics indépendants en Europe centrale. Nous condamnons les tentatives de discréditation de leur direction et de leurs journalistes ainsi que celles de fragilisation des garanties contre l’ingérence politique dans leurs rédactions. Nous demandons au Parlement d’envoyer un signal fort en faveur du journalisme indépendant en approuvant l’augmentation de la redevance.
Proposé par le ministre de la Culture, le projet de loi prévoit une augmentation de la redevance de 15 couronnes (environ 0,6 euros) pour la Télévision tchèque et de 10 couronnes (0,4 euros) pour la Radio tchèque. Cette redevance, qui constitue la principale source de financement de ces médias, atteindrait ainsi 150 couronnes (6 euros) pour la télévision et 55 couronnes (2 euros) pour la radio. Le projet prévoit également d’indexer la redevance sur l’inflation dans les années à venir afin d’éviter toute perte de sa valeur réelle. Actuellement, la Télévision tchèque doit se financer par une redevance fixée il y a 15 ans, tandis que celle de la Radio tchèque n’a pas été augmentée depuis 18 ans.
Cette réforme tant attendue moderniserait également le mode de calcul de la redevance. Aujourd’hui, chaque foyer possédant une radio ou une télévision est tenu de payer cette redevance, mais le projet de loi étendrait cette obligation à tous les foyers disposant d’une connexion Internet.
Indépendance éditoriale face aux partis politiques et aux oligarques
“En tant que radiodiffuseur public indépendant, nous ne dépendons ni des partis politiques ni des oligarques,” a déclaré le directeur général de la Radio tchèque, René Zavoral, lors de sa visite chez RSF. “Notre redevance garantit notre indépendance et la confiance du public dans notre travail. Elle ne doit pas être supprimée, mais augmentée – cela nous permettrait de poursuivre notre mission de produire une information de qualité pour les audiences nationales et internationales.”
Bien que les deux radiodiffuseurs publics jouissent d’un haut niveau de confiance du public et des plus grandes parts d’audience dans leurs marchés respectifs, ils ne sont pas à l’abri des attaques politiques. Lors de la dernière session parlementaire, Andrej Babiš – ancien Premier ministre et chef du mouvement d’opposition ANO — a une nouvelle fois accusé, sans preuve, les médias publics d’être “corrompus” par le gouvernement. Il affirme avec insistance que les médias publics sont biaisés en faveur des partis au pouvoir. De son côté, Tomio Okamura, leader du SPD (extrême droite), a faussement accusé la Télévision tchèque de “censurer” les déclarations de son parti et de propager la “propagande bruxelloise”.
Refusant toute “taxation” supplémentaire, Andrej Babiš et Tomio Okamura souhaitent remplacer la redevance par des subventions directes du budget de l’État, ce qui rendrait les médias publics vulnérables à l’influence politique. S’ils accèdent au pouvoir après les élections prévues cet automne, leur projet de fusionner la Télévision tchèque et la Radio tchèque pourrait entraîner le remplacement de leur direction actuelle – qui résiste fermement aux pressions politiques.
La Tchéquie occupe la 17e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.