Syrie : RSF dénonce la désaccréditation de deux journalistes de la BBC à Damas

Suite à la publication d'un reportage sur le trafic de drogue en Syrie, le ministère de l'Information a annulé l'accréditation des deux correspondants locaux du radiodiffuseur britannique BBC. 

 

“Des reportages politisés qui trompent l'opinion publique.” C'est par ces mots que le ministère syrien de l'Information a qualifié les contenus journalistiques de la British Broadcasting Corporation (BBC), justifiant ainsi l'annulation de l'accréditation de ses deux correspondants syriens, Assaf Abboud et Wissam Abdou sur son territoire. Dans une déclaration publiée le 8 juillet, le ministère a accusé le radiodiffuseur public britannique de fournir intentionnellement “des informations et des reportages faux et subjectifs” sur le pays, depuis le début de ce qu’il appelle “la guerre terroriste contre la Syrie” en 2011. 

“Au nom de la lutte contre cette ‘guerre terroriste’, le gouvernement de Bachar al-Assad n'a cessé d'emprisonner, de faire disparaître, et de tuer des journalistes, pour les empêcher d'informer en toute indépendance et transparence. Douze ans après la révolution syrienne, l'annulation des accréditations de l'équipe de la BBC rappelle une fois de plus à quel point le président est terrifié par la liberté de la presse. Nous dénonçons la menace envers les journalistes contenue dans cette décision et demandons la réouverture des bureaux de la BBC en Syrie.”

Jonathan Dagher
Responsable du bureau Moyen-Orient de RSF

Publiée le 29 juin, l’enquête ciblée, menée conjointement avec le consortium des journalistes d'investigation Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et la BBC World Service, a révélé l'implication de l’armée syrienne et de l’entourage de Bachar al-Assad dans le trafic d'amphétamines illégales connues sous le nom de Captagon. Bien que les deux correspondants n'aient pas été crédités nommément pour la réalisation de ce documentaire, la suspension de leur autorisation d’exercer sur le territoire est une mesure de représailles à l’égard du radiodiffuseur britannique.

Malgré les preuves fournies dans Captagon : Inside Syria's drug trafficking empire, le pouvoir en place nie toute implication dans le trafic de Captagon, et accuse la BBC de "biais avec les terroristes".  Dès sa diffusion, les partisans du gouvernement ont vivement réagi sur les réseaux sociaux et réclamé la démission du correspondant Assaf Abboud. 

À la suite du retrait des accréditations de ses journalistes, la BBC a signifié clairement que son service d'information arabe fournissait des reportages “impartiaux et indépendants en s'adressant à des personnes de tous les horizons politiques” et qu’elle allait poursuivre cette mission d’information. 

Les autorités syriennes accusent régulièrement les journalistes de diffuser des fausses informations et de participer à un complot contre le pays. En 2017, lorsque Michael Isikoff, journaliste d'investigation, correspondant en chef du média Yahoo News l’a confronté à des photos de prisonniers syriens tués en détention, Bachar al-Assad a parlé de "propagande”, de “fake news”. Et d’ajouter : “Ils veulent diaboliser le gouvernement syrien." 

Avec 27 journalistes actuellement derrière les barreaux, dix disparus, trois tués en 2022, et des centaines d'exilés, la Syrie est considérée comme l'un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes. Dans les zones contrôlées par le gouvernement, il est presque impossible pour les reporters indépendants de travailler. 

Le pays occupe la 175/180e place dans le classement mondial de la liberté de la presse de RSF.  

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175/ 180
Score : 27,22
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