Suspension des charges contre la journaliste Mari Takenouchi

Reporters sans frontières prend note de la décision du procureur Eiji Masuhara de surseoir aux poursuites contre la journaliste freelance Mari Takenouchi dans la procédure lancée par le groupe Ethos pour “outrage criminel”. Mari Takenouchi était poursuivie par la directrice de l’organisation Ethos, Ryoko Ando, pour diffamation suite à la publication d’un tweet dans lequel elle avait qualifié le programme de l’organisation encourageant les habitants à rester dans les zones irradiées d’”expérience sur des êtres humains”. “La décision de surseoir aux poursuites est certes encourageante. Néanmoins, nous persistons à demander un abandon pur et simple et non pas une simple suspension des poursuites contre la journaliste Mari Takenouchi”, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Le procureur a invité Mari Takenouchi à continuer son travail en lui souhaitant “bonne chance” pour la suite de ses activités. La journaliste freelance a déclaré à Reporters sans frontières que son objectif serait désormais de “sauver les enfants vivant dans les zones contaminées et souffrant du cancer de la thyroïde”. Le Japon occupe la 59e place sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières. -------------------------------------------------------------------------------------------- 11.03.14 Trois ans après la catastrophe, le lobby nucléaire continue de censurer les acteurs indépendants de l'information Reporters sans frontières déplore le climat de censure et d'autocensure qui continue de régner sur la question du nucléaire, trois ans après l'accident nucléaire à la centrale de Fukushima Daiichi (nord de Tokyo). L'organisation dénonce le traitement réservé aux journalistes et blogueurs indépendants et critiques à l'encontre des autorités et du lobby nucléaire, surnommés "village nucléaire" par leurs détracteurs. Dernier cas recensé par l'organisation, la journaliste freelance et blogueuse Mari Takenouchi, accusée d'"outrage criminel" après avoir critiqué l'organisation non gouvernementale " Ethos " et son projet de repeuplement volontaire des zones irradiées. "La procédure judiciaire lancée contre Mari Takenouchi est un nouvel exemple de la manière dont certains groupes liés à des organismes pro-nucléaires cherchent à museler les voix contradictoires. En dénonçant le programme encourageant les habitants à rester dans des zones irradiées, la journaliste ne fait que documenter une inquiétude légitime, argumentée au regard des risques médicaux liés aux radiations. Nous demandons à la directrice de l'organisation Ethos, Mme Ryoko Ando, de retirer sa plainte à l'encontre de Mari Takenouchi, qui constitue un message dissuasif pour tous les acteurs indépendants de l'information", déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. "Comme nous le craignions en 2012, la liberté d'informer et de s'informer continue d'être mise à mal par le 'village nucléaire' et les autorités, qui s'évertuent à contrôler l'information sur la gestion de ' l'après-crise '. Les conséquences de la catastrophe sur le long terme commencent à peine à émerger et les enjeux en matière d'information sur les risques sanitaires et la santé publique sont plus que jamais d'actualité. Mais ceux qui tentent d'attirer l'attention sur la permanence des risques liés aux radiations, de dénoncer le manque d'anticipation des autorités, voire leur politique de minimisation des risques, sont censurés et harcelés par ces dernières et les acteurs privés du secteur nucléaire qui, pris dans son ensemble, ressemble de plus en plus à une mafia opaque et intouchable", ajoute Benjamin Ismaïl. Le 29 janvier 2014, Mari Takenouchi, journaliste freelance, auteure du blog savekidsjapan.blogspot.fr et traductrice de trois livres traitant des radiations nucléaires, a été informée par la police d'Iwaki Minami, à Fukushima, du dépôt d'une plainte à son encontre par la directrice de l'organisation Ethos, Ryoko Ando (des son vrai nom Yoko Kamata) pour diffamation pénale, suite à la publication d'un tweet dans lequel la journaliste aurait qualifié leur programme d'"expérience sur des êtres humains". Le 13 février, la police de Fukushima a interrogé la journaliste à son domicile pendant près de trois heures, avant de la convoquer, le lendemain, au commissariat, où elle a de nouveau été entendue pendant quatre heures. Début mars, les informations recueillies ont été envoyées au procureur de Fukushima prochain. Ce dernier devrait ensuite décider de la continuation ou non de la procédure judiciaire à l'encontre de la journaliste. Dans ses articles et interviews publiés par les médias indépendants, la journaliste dénonce une politique de communication menée par le gouvernement visant à minimiser les dangers posés par les radiations auprès des populations des zones contaminées. Pour la journaliste "Ethos est un programme par lequel les résidents, y compris les femmes enceintes et les enfants, sont encouragés à continuer à vivre dans les zones contaminées en participant à la décontamination et à la mesure des radiations, ce qui a entraîné des maladies chez la majorité des enfants concernés. Ce programme, conduit en Biélorussie et désormais lancé à Fukushima, est financé par les lobbies pro-nucléaires. "Le 3 février, Mari Takenouchi notait sur son blog que l'annonce du lancement du programme Ethos n'avait été relayée que par quelques chaînes locales et la chaîne de télévision nationale NHK, mais au niveau local seulement. Afin d'avertir l'opinion publique, la journaliste a récemment mis en ligne une vidéo dans laquelle elle décrit l'état de ses recherches, notamment basées sur des sources publiques, sur les dangers liés aux radiations et les risques posés par le programme Ethos pour la frange la plus jeune de la population. Cette affaire n'est pas sans rappeler la poursuite en justice à l'encontre du journaliste freelance Minoru Tanaka, accusé de diffamation par le président d’une entreprise de systèmes de sécurité pour centrale nucléaire, suite à ses enquêtes sur les coulisses de la gestion de l’incident nucléaire à la centrale de Fukushima-Daiichi. En aout 2013, les poursuites ont été abandonnées. Depuis 2011, les journalistes freelance et les médias étrangers qui couvrent les sujets liés au nucléaire sont particulièrement visés par des restrictions dans l’accès à l’information. Parfois empêchés de couvrir les manifestations anti-nucléaires, menacés de procédures judiciaires pénales pour s'être rendus dans la " zone rouge ", interrogés et intimidés par les services de renseignement, plusieurs journalistes indépendants, japonais et étrangers, ont décrit à Reporters sans frontières les multiples entraves déployées par les autorités pour empêcher une couverture indépendante de l'accident nucléaire et de ses conséquences. L'organisation dévoile ici un premier extrait du document vidéo " Fukushima censuré " qui sera prochainement mis en ligne sur www.rsf.org En deux ans, le Japon est passé de la 22eme position à la 59ème position au classement mondial de la liberté de la presse. En 2014, le pays a encore perdu six places, une chute s'expliquant en partie par l’adoption, le 26 novembre 2013, par la Diète d'un projet de loi sur la “protection des renseignements spéciaux” (special intelligence protection bill), donnant toute latitude au gouvernement pour qualifier de ‘secret d’État’ toute information qu’il jugerait trop sensible. Soutenez Mari Takenouchi, signez la pétition ici.
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016