Surveillance et colère aux Nouvelles de Pékin

Suite au mouvement de grève provoqué par le limogeage du rédacteur en chef du Xin Jing Bao et de ses deux adjoints, le calme est revenu au sein du quotidien de la capitale. Mais celui-ci demeure sous étroite surveillance : les blogs de ses journalistes sont censurés et leurs téléphones sont sur écoute. Reporters sans frontière dénonce cette attitude policière.

Six jours après la reprise en main de la rédaction du Xin Jing Bao (Les Nouvelles de Pékin) par le Département de la publicité (ex-propagande) du Parti communiste chinois (PCC), la rédaction est soumise à une surveillance accrue. Si le calme semble être revenu au sein de la rédaction - les journalistes étant pour la plupart en vacances - le PCC contrôle les communications et censure Internet pour empêcher les journalistes et les lecteurs d'exprimer leur mécontentement. Reporters sans frontières est indignée par les méthodes du Département de la publicité qui dirige cette purge contre un journal libéral et populaire. « Les pratiques policières employées par les autorités pour briser le travail de la rédaction du Xin Jing Bao sont scandaleuses et ne laissent plus aucune illusion sur la politique du gouvernement de Hu Jintao envers la presse, a affirmé l'organisation. Il est urgent que la communauté internationale fasse de la défense de la liberté de la presse une priorité dans son dialogue avec la Chine populaire. » Même si le mouvement de protestation (grève sauvage et pétitions) des journalistes semble s'être essoufflé, les employés du Xin Jing Bao sont sous la pression des autorités. Ainsi, leurs communications téléphoniques sont écoutées. Les standardistes ont reçu l'ordre de filtrer les appels et les blogs de plusieurs journalistes ont été rendus inaccessibles. Le mouvement de protestation des 29 et 30 décembre n'a pas été mentionné par les médias chinois, alors qu'il faisait la Une de la presse internationale. Ainsi, le moteur de recherche du site Internet du journal (www.thebeijingnews.com) ne comporte aucune réponse concernant la Chine à la requête « grève ». Plusieurs témoignages sont venus confirmer l'implication directe du Département de la publicité du PCC dans cette purge. Lors d'une réunion le 6 décembre dernier, Liu Yunshan, chef de ce département, aurait déclaré qu'il fallait régler le problème du Xin Jing Bao de « façon fondamentale ». L'organe de contrôle des médias avait classifié le journal de « récidiviste ». Les motifs précis du limogeage du rédacteur en chef Yang Bin et de ses adjoints Li Duoyu et Sun Xuedong(photo)ne sont toujours pas connus. Plusieurs journalistes ont mentionné que les articles du Xin Jing Bao sur des manifestations, en juin, de villageois du Hebei dépossédés de leurs terres, et sur une pollution, en novembre, de la rivière Songhua, auraient provoqué la colère des responsables de la censure. La direction du quotidien gouvernemental Guangming Ribao, qui détient 51 % du Xin Jing Bao, a maintenant la charge de nommer de nouveaux responsables. En attendant, l'édition du 30 décembre, tirée à près de cent mille exemplaires, ne précisait pas les noms des responsables de la rédaction. Sur la base de témoignages de journalistes du Xin Jing Bao, Reporters sans frontières a pu retracer les événements. Un reporter raconte : « L'annonce du limogeage de Sun Xuedong a provoqué l'ébullition dans la rédaction. Sept de mes confrères ont spontanément cessé le travail. En signe de protestation, ils ont quitté les bureaux. Pendant ce temps, d'autres, qui pensaient que c'était la fin du journal, ont tenté d'en sauver des exemplaires. Sun Xuedong a demandé à tous les journalistes de reprendre le travail immédiatement. « Il en est hors de question. Cela équivaudrait à une trahison! », a répondu l'un des grévistes. Alors que nous évoquions déjà « une révolution des médias », Sun Xuedong, victime d'une immense pression, s'est évanoui. Il a été placé sous respiration artificielle. Pendant ce temps, la nouvelle des limogeages s'est répandue aux agences de presse étrangères. Toute la journée, Monsieur Chao, un envoyé très conservateur du Guangming Ribao, a tenté de nous ramener à l'ordre au nom du Parti communiste chinois. Sans succès. » D'autres témoignages parlent de journalistes en larmes, incapables de reprendre le travail. Au moins une centaine d'employés ont participé à une grève sauvage, extrêmement rare en Chine. Depuis le 29 décembre, malgré la censure, la colère gronde sur les blogs et forums de discussion fréquentés par les journalistes du Xin Jing Bao. « Si le rédacteur en chef d'un journal est un imbécile, alors l'équipe sera également stupide (...) A tous les niveaux, il y aura de l'autocensure. Notre journal perdra tous ses bons papiers », a affirmé un journaliste sous le pseudo « Maison du Nord ». Un reporter de la rubrique Culture a expliqué que la majorité de la rédaction était très triste car ses chefs étaient « sincères, honnêtes et rigoureux. » « Un journal libéral n'a aucune chance en Chine », s'est inquiété un internaute qui rappelait que le slogan du Xin Jing Bao était : « Le journal qui parle de tout. » Chen Feng, responsable de la rubrique Société et célèbre pour avoir enquêté sur la mort sous la torture d'un étudiant à Canton, a expliqué sur Internet que « plus rien ne sera comme avant. » Les responsables écartés de la rédaction ont témoigné leur attachement au journal. « Tout le personnel s'est toujours considérablement dévoué à ce journal, sans aucune ambition personnelle. Une fois cette tempête passée, le calme pourra-t-il revenir ? Les journalistes oseront-ils de nouveau promouvoir leurs idées aussi librement et sincèrement que par le passé ? », a écrit par exemple Li Duoyu.
Publié le
Updated on 20.01.2016