Suède : RSF défend la primauté du droit à l’information alors qu’un journaliste est poursuivi pour avoir filmé l’épave de l’Estonia

Le journaliste et documentariste Henrik Evertsson ayant filmé l’épave d’un ferry est poursuivi en Suède pour “violation de sépulture”. Reporters sans frontières (RSF) demande à la justice de prendre en compte le principe de droit à l’information.

Mise à jour : Le 8 février 2021, le tribunal de Göteborg a acquitté Henrik Evertsson et Linus Andersson, accusés de "violation de sépulture" pour avoir filmé l'épave du M/S Estonia.


Le journaliste suédois Henrik Evertsson, qui a cosigné le documentaire “Estonia, la découverte qui change tout”, et un membre de son équipe, Linus Andersson, vont être traduits en justice pour “violation de sépulture”. Leur procès, sans précédent, s’ouvrira à Göteborg en janvier 2021. Les deux hommes encourent une peine de deux ans de prison. 


La série documentaire, diffusée à partir du 28 septembre sur Discovery Networks, et qui retrace le naufrage du ferry Estonia en mer Baltique en 1994, montre l’image inédite d’une brèche de quatre mètres dans la coque de l’épave. Cet élément est susceptible de remettre en question la version officielle expliquant le naufrage par une déficience du système de verrouillage de la porte escamotable du navire. Plusieurs proches de victimes, interviewés par le documentariste, avaient fait part de leurs doutes concernant les conclusions rendues en 1997 par une commission internationale. 


Sous le contrôle des garde-côtes finlandais, la brèche a été filmée par un véhicule sous-marin équipé d’une caméra et télécommandé par le technicien Linus Andersson, sans que le dispositif ne pénètre jamais à l’intérieur de la carcasse du M/S Estonia. Située dans les eaux internationales, l’épave a été qualifiée de sépulture par un accord entre la Suède, la Finlande et l’Estonie en 1995. 


Le travail de Henrik Evertsson et de son équipe est une réponse à la demande de nombreuses familles de victimes de poursuivre l’enquête sur les causes du naufrage et pour savoir ce qu’il s’est réellement passé cette terrible nuit de septembre 1994. Nous demandons au procureur et au tribunal de faire prévaloir le droit fondamental à l’information, déclare le responsable du bureau UE/Balkans à RSF, Pavol Szalai. Le journaliste a agi dans l’intérêt général.”


Le président de RSF Suède, Erik Halkjaer, souligne que le journaliste a démontré à quel point son métier peut être important, notamment pour l’information des autorités. "Quelle que soit l’origine de la brèche dans l'épave dévoilée dans la série, ce documentaire a conduit les gouvernements suédois, finlandais et estonien à considérer cette découverte comme primordiale, au point d’ouvrir de nouvelles enquêtes.” 


Le naufrage du M/S Estonia reliant Tallinn à Stockholm le 28 septembre 1994, qui a entraîné la mort de 852 personnes venant majoritairement de Suède, d’Estonie et de Finlande, est la pire catastrophe maritime depuis celle du Titanic. 


La Suède se situe à la 4e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. 

Publié le
Updated on 09.02.2021