Suède : RSF appelle le deuxième parti du pays à cesser d’entraver la liberté de la presse et le droit à l’information

À la suite des dernières élections législatives, les Démocrates de Suède ont bloqué l’accès de plusieurs journalistes à leur soirée électorale et proféré des menaces contre les médias en général. Reporters sans frontières (RSF) met en garde contre le lien entre les attaques politiques et les agressions physiques.

Ses mots étaient glaçants. Lorsqu’un journaliste de la chaîne publique SVT a demandé, le 12 septembre, au chef des Démocrates de Suède ce à quoi il aspirait après l’arrivée de son parti en deuxième aux élections législatives, la veille, Linus Bylund a répondu : “Beaucoup de travail et beaucoup de ce que nous appelons le ‘rugby-journalistes’ – c’est-à-dire ‘malmener les journalistes’.” Une déclaration pour le moins inquiétante pour ces derniers, qui peut aussi être interprétée comme une menace envers les médias publics : par le passé, un représentant des Démocrates de Suède au sein de la fondation à laquelle appartient le service public a questionné son indépendance.

Mais dans une autre interview le même jour, pour Aftonbladet TV, Linus Bylund est allé encore plus loin. Interrogé sur la politique de l’immigration du parti, il s’est plaint d’avoir eu à “s’adapter (aux journalistes)” durant la campagne électorale. Le dirigeant du deuxième parti le plus important de Suède a menacé : “Dorénavant, nous ferons le contraire et nous déciderons quand nous souhaitons parler aux médias des différents sujets.”

Dans les faits, les Démocrates ont déjà décidé de restreindre l’accès des médias à l’information au cours de la soirée électorale. Sous le prétexte d’un manque de place, l’un des plus grands partis du pays a refusé de laisser entrer plusieurs médias internationaux, parmi lesquels Le Monde, Libération, BBC World, The Local, Politiken (Danemark), YLE, Hufvudstadsbladet and Helsingin Sanomat (Finlande), ainsi que certaines publications suédoises ayant une ligne éditoriale orientée à gauche, comme Flamman et Dagens ETC. Tous ont pu se rendre au quartier général des autres partis.

“Il est extrêmement inquiétant qu’un représentant des Démocrates de Suède encourage publiquement à “malmener” les journalistes, dont le travail est de demander des comptes aux femmes et aux hommes politiques, et de servir l’intérêt publicLes politiciens devraient faciliter le travail des journalistes, et non pas l’entraver.

Erik Halkjaer
Président de RSF Suède

"En  s’en prenant aux journalistes, les femmes et les hommes politiques  peuvent créer un climat favorable à l’auto-censure et incitant aux attaques tant physiques qu’en ligne. Le pouvoir implique des responsabilités : ils sont responsables des conditions de travail des journalistes !

Pavol Szalai
Responsable du bureau UE - Balkans de RSF

Il est apparu, dans d’autres pays européens, qu’il existe un lien entre les attaques politiques contre le journalisme et les agressions physiques ou en ligne des professionnels des médias. Lors de la campagne électorale présidentielle française, le candidat Éric Zemmour a insulté des journalistes qui, par la suite, ont été la cible de violences à l’un de ses meetings. En Slovénie, des journalistes de la chaîne publique RTV SLO ont subi des agressions physiques à plusieurs reprises en 2020, durant le mandat de l’ex-Premier ministre Janez Jansa, qui s’en prenait régulièrement aux professionnels des médias, allant jusqu’à les appeler “des prostitués épuisés à 30-35 €”. Et alors que l’Italie se prépare à des élections législatives le 25 septembre, dans un contexte de “media bashing” par certains partis, la journaliste spécialisée dans les questions d’immigration Karima Moual a reçu des menaces de mort en ligne.

La Suède occupe le 3e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.

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