Sri Lanka
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Les journalistes et médias en ligne continuent à être victimes de violences. L’impunité persiste, tout comme les réflexes de censure, quand l’incitation à l’autocensure ne suffit plus.
Des réflexes de censure ?
Des sites d’informations indépendants, LankaeNews, LankaNewsWeb, InfoLanka et Sri Lanka Guardian, avaient été bloqués en janvier 2010 quelques heures avant les résultats du scrutin présidentiel. Ils ont tous été débloqués à l’exception de LankaNewsWeb, rendu inaccessible dans le pays par le principal fournisseur d’accès, Sri Lanka Telecom, depuis le 11 juillet 2009. Le site TamilNet reste inaccessible, même après la victoire militaire du gouvernement contre les Tigres tamouls.
Dans une interview accordée à Reporters sans frontières, Chandima Withanaarachchi, le directeur de LankaNewsWeb en exil, explique que son site traite « des violations des droits de l’homme, de la corruption et des abus des dirigeants politiques ». Malgré son interdiction , il y a un an et demi, il accueille entre 3 et 4 millions de visites par mois au Sri Lanka, et 30 à 40 millions dans le monde entier. Selon lui, « la seule lueur d’espoir pour la liberté de la presse au Sri Lanka passe par les sites Internet ». Ces sites doivent cependant faire face à des tentatives de contrôle régulières de la part du gouvernement. Ce sont souvent via les nouveaux médias que les sujets sensibles, qui touchent à la corruption, aux abus de pouvoir ou aux critiques du clan présidentiel, sont discutés plus librement.
Les locaux du site web LankaeNews incendiés
Un incendie criminel a été perpétré dans les locaux du site Internet d’informations LankaeNews, dans la nuit du 30 au 31 janvier 2011, à Malabe, en banlieue de Colombo. Le bâtiment principal qui logeait la bibliothèque et les ordinateurs du journal en ligne a entièrement brûlé, entraînant la cessation d’activité du site. Le site est connu pour ses critiques envers les autorités. Le mode opératoire indique que l’attaque était préparée de longue date. L’incendie est survenu quelques jours après la parution d’un article remettant en cause le témoignage du secrétaire à la Défense et frère du président, Gotabaya Rajapakse, lors d’un procès contre l’ancien chef des armées, Sarath Fonseka.
Un suspect a été appréhendé le 31 janvier dans la soirée. Selon la police, il appartient à un gang travaillant par contrat. Un deuxième suspect a réussi à s’enfuir lors de l’arrestation. Des dizaines de journalistes sri lankais ont défilé dans les rues de Colombo, en soutien à LankaeNews, pour dénoncer les attaques contre la liberté de la presse, trop fréquentes dans le pays. Victime de menaces, le rédacteur en chef du site, Sandaruwan Senadheera, avait dû fuir l’an dernier au Royaume-Uni, avec sa famille.
En juillet 2010, une attaque similaire a été perpétrée par douze hommes armés contre les bureaux du groupe Voice of Asia. Les agressions fréquentes, qui peuvent aller de l’assassinat à la disparition forcée, renforcent le sentiment d’insécurité des journalistes du pays, qui préfèrent en conséquence éviter un certain nombre de sujets et s’autocensurer.
Plus d’un an après sa disparition, aucune nouvelle du dessinateur Prageeth Eknaligoda
Le 24 janvier 2010, Prageeth Eknaligoda, caricaturiste, journaliste pour le site LankaeNews et analyste politique sri lankais, a disparu à Colombo. Un an plus tard, aucune avancée n’a été enregistrée dans cette affaire. L’enquête a été marquée par un manque de moyens criant, malgré les promesses initiales des autorités. Un état de fait regretté par son épouse, Sandya Eknaligoda, dans une lettre du 13 décembre 2010 adressée à l’ancien et à l’actuel ministre de l’Information.
Pour marquer le triste anniversaire de la disparition du journaliste, Cartooning for Peace et Reporters sans frontières ont lancé une campagne internationale de soutien. Les deux organisations ont recueilli des caricatures réalisées par douze dessinateurs du monde entier.
Rester vigilants face à la tentation de filtrage
En février 2010, l’hebdomadaire Sunday Times et le site d’informations LankaNewsWeb révélaient l’intention des autorités de mettre en place, après les élections, un filtrage d’Internet avec l’appui d’experts chinois et une obligation d’enregistrement des sites Internet. Suite à la dénonciation publique d’un tel projet par la Banque mondiale, qui finance le programme de développement des télécommunications du pays via le Fonds pour le développement institutionnel, les autorités avaient fait marche arrière. Pour combien de temps ?
La censure du Net n’est pas la solution pour la réconciliation nationale. Celle-ci passe en partie par la fin de l’impunité, notamment pour les crimes contre des professionnels des médias, qui cherchent à informer au mieux leurs concitoyens.
Publié le
Updated on
20.01.2016