Sri Lanka : RSF propose quatre chantiers prioritaires au nouveau gouvernement pour améliorer la liberté de la presse

Alors que les élections législatives du 14 novembre ont offert une vaste majorité au président Anura Kumara Dissanayake, Reporters sans frontières (RSF) exhorte le nouveau gouvernement à faire de la liberté de la presse une priorité. Les promesses du manifeste électoral doivent être transformées en actions concrètes.

Le nouveau président Anura Kumara Dissanayake a remporté une adhésion massive lors des législatives du 14 novembre, qui ont offert à la coalition du National People’s Power (NPP, “Pouvoir populaire national”), mené par son parti le Janatha Vimukthi Peramuna (JVP, “Front de libération du peuple”), une majorité des deux tiers au Parlement. 

Ce résultat place son parti dans une position stratégique pour opérer des réformes profondes dans un pays marqué par l’impunité persistante des crimes contre les journalistes, et où des lois répressives menacent la liberté de la presse. Le nouveau gouvernement doit s’atteler à des réformes structurelles, en abrogeant les lois propices à la censure, et instaurer une véritable protection des journalistes, en particulier pour ceux de la minorité tamoule et musulmane. 

Dans son manifeste électoral, le NPP s'est engagé à “empêcher l'utilisation abusive, délibérée et stratégique, des médias de masse” par le pouvoir politique. “En positionnant les médias, les journalistes et le public comme des catalyseurs du renouveau social, politique, économique et culturel”, le NPP s'engage “à assurer un soutien technique et à sauvegarder l'intégrité professionnelle des journalistes”. Le parti déclare soutenir “le droit des personnes à accéder à des informations véridiques et précises” et la “liberté et l’indépendance des médias”.

“Le rétablissement d’un espace médiatique libre et sûr, annoncé comme promesse de campagne, doit désormais être une priorité du nouveau Parlement. Le Sri Lanka a été le théâtre de nombreuses atteintes contre les journalistes par le passé, sapant le rôle vital des médias. Il est essentiel de rompre avec la culture de l'impunité des crimes contre les journalistes. RSF invite le nouveau gouvernement à saisir l’opportunité historique de ce tournant politique pour garantir la liberté de la presse au Sri Lanka, essentielle à une démocratie robuste.

Célia Mercier
Responsable du bureau Asie du Sud de RSF

RSF appelle le nouveau gouvernement à transformer ses promesses en actions concrètes et lui propose quatre chantiers prioritaires :

  • Mettre fin à l'impunité des crimes contre les journalistes

Au moins 25 journalistes ont été tués ou ont disparu entre 2004 et 2010 au Sri Lanka, dont beaucoup travaillaient pour des médias tamouls et sur des sujets relatifs au conflit armé entre le gouvernement et les séparatistes tamouls. Aucun des responsables de ces crimes n’a été poursuivi jusqu'à présent. Le manifeste du National People's Power (NPP) promet de “faire aboutir rapidement les enquêtes sur les assassinats politiques et les enlèvements de journalistes [...] qui n'ont pas été résolus depuis longtemps et d’appliquer la loi contre les criminels. De rendre justice aux journalistes [...] qui ont quitté le pays sous la menace de pressions politiques." Des enquêtes transparentes et diligentes doivent être menées pour briser le cycle de l’impunité.

  • Abolir les lois répressives

RSF invite le nouveau gouvernement à abolir la loi sur la prévention du terrorisme (PTA), tel que cela est prévu dans le manifeste du NPP, ainsi que la loi sur la sécurité en ligne (OSA), adoptée en janvier 2024 et qui représente un outil dangereux de dérive vers la censure. 

  • Réviser les projets de lois liberticides et en priorité celui sur l'Autorité de radiodiffusion des médias électroniques 

Ce projet de loi controversé prévoit notamment de créer une autorité de régulation soumise aux interférences politiques et un système de licences renouvelables chaque année, encourageant l’autocensure.

Le projet de loi antiterroriste conçu pour remplacer la PTA constitue une nouvelle menace tant il restreint les moyens d’expression, telles les  publications jugées “critiques”. RSF demande une révision approfondie du texte pour protéger les contenus journalistiques.

  • Mettre fin au détournement de la loi sur le PIDCP

La loi sri-lankaise sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) – l'ICCPR Act – a souvent été utilisée pour réduire au silence les voix critiques. En juin 2019, le journaliste Kusal Perera avait fait l'objet d'une enquête en vertu de l'ICCPR Act pour un article publié dans le Daily Mirror. RSF exhorte le gouvernement à mettre un terme à l’usage de cet outil pour restreindre la liberté des médias et garantir un environnement sûr pour les journalistes.

Entre 2023 et 2024, le Sri Lanka a chuté de la 135e à la 150e place, sur 180 pays, au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.

Image
150/ 180
Score : 35,21
Publié le