Sous la pression de Pékin, Eutelsat va cesser la transmission de la chaîne privée NTDTV

Le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris a débouté la chaîne de télévision en chinois NTDTV qui avait assigné en référé l'opérateur de satellite européen Eutelsat. L'avocat de la chaîne a affirmé être déterminé à ne pas s'arrêter à cette première décision. Lors de l'audience du 16 mars, l'avocat d'Eutelsat, Maître Jean-Michel Leprêtre, avait contesté toute pression du gouvernement de Pékin sur l'opérateur, affirmant que l'arrêt de la diffusion de NTDTV correspondait à un souci économique. De son côté, l'avocat de NTDTV avait présenté au juge une copie d'un document des autorités chinoises adressée à Eutelsat exigeant la fin de la diffusion de la chaîne en chinois. Le juge a par ailleurs jugé recevable la demande de Reporters sans frontières d'être associée à la plainte de NTDTV. ________________________________________________________________________ 14.03.2005 Reporters sans frontières est très préoccupée par la décision de l'opérateur satellite européen Eutelsat de ne pas prolonger le contrat de diffusion de la chaîne en chinois New Tang Dynasty (NTDTV). L'organisation demande à Eutelsat de poursuivre la diffusion des programmes de cette chaîne qui n'a violé aucune loi. "Le paysage audiovisuel chinois manque cruellement de pluralisme. Il est regrettable que des entreprises européennes cèdent sous la pression du gouvernement chinois et mettent fin, dans des conditions discutables, à la diffusion d'une chaîne qui a le mérite de proposer une information différente à la population chinoise", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. L'organisation a rappelé qu'Eutelsat est tenue de respecter les principes d'égalité dans l'accès, le pluralisme et la non-discrimination précisés dans l'article 3 de la Convention qui régit cette entreprise de droit français. Le secrétaire général de Reporters sans frontières était intervenu par courrier dans ce sens, le 2 février 2005, auprès de Giuliano Berreta, PDG d'Eutelsat, qui n'a jamais donné suite. Le 16 mars 2005 à 15 heures, le Tribunal de grande instance de Paris va examiner une assignation déposée par les avocats français de l'entreprise UCN qui produit et diffuse la chaîne de télévision NTDTV à l'encontre de l'opérateur Eutelsat et de son courtier, l'entreprise britannique London Satellite Exchange (LSE). Un avocat de Reporters sans frontières interviendra à cette occasion pour soutenir la demande de NTDTV sur la base de la défense du pluralisme de l'information. Un représentant de Reporters sans frontières participera également à la conférence de presse organisée par NTDTV, le 15 mars, à 14 heures, au Centre international de la presse à Bruxelles. La direction de NTDTV, basée aux Etats-Unis, reproche à Eutelsat et LSE de refuser de prolonger le contrat de diffusion de la chaîne vers l'Asie et la Chine à travers le satellite W5. NTDTV a, selon nos informations, toujours respecté son cahier des charges défini par la licence accordée, en mars 2004, par le Conseil supérieur de l'audiovisuel français. Il n'existe aucune plainte ou procédure légale contre NTDTV, comme cela avait été le cas concernant la chaîne libanaise Al-Manar. Pourtant, le 20 décembre 2004, LSE informait NTDTV que sa diffusion allait cesser le 21 mars 2005 alors que le contrat signé en mars 2004 stipulait que l'accord serait automatiquement renouvelé d'un an. De son côté, Eutelsat nie toute responsabilité dans cette décision, mais Reporters sans frontières a eu connaissance d'une injonction du gouvernement chinois à Eutelsat, datant de mai 2004, lui ordonnant de "mettre fin à cette diffusion immédiatement." Le ministère de l'Information de Chine populaire juge que la diffusion des programmes de NTDTV "n'est pas autorisée dans (le) pays et leur contenu contrevient aux lois de la République populaire de Chine." Les autorités de Pékin accusent NTDTV d'appartenir au mouvement interdit Falungong considéré comme une "secte diabolique" et dont les membres sont sévèrement réprimés. De nombreux employés de la chaîne sont certes des bénévoles adeptes de Falungong, mais elle offre des programmes divers, notamment présentés par des dissidents démocrates et des bulletins d'information qui tranchent avec la propagande de la télévision d'Etat CCTV. A travers la chaîne d'Etat CCTV, le gouvernement de Pékin est présent dans plus de 30 bouquets satellites alors qu'il suffit de six pour s'assurer d'une couverture touchant 99 % de la population mondiale. Cette présence massive permet au gouvernement d'exercer un chantage sur les opérateurs. Ainsi, le 1er mai 2004, New Skies Satellites (NSS), opérateur de satellite basé aux Pays-Bas, a mis fin au contrat avec les responsables de la chaîne NTDTV. Le 1er juillet 2003, NSS, opérateur de satellite basé aux Pays-Bas, avait commencé à diffuser cette chaîne, basée à New York, vers l'Asie. Mais trois jours seulement après le début des opérations, NSS avait crypté le signal, empêchant les Chinois détenteurs de parabole de capter la chaîne en signal ouvert. Cette décision avait été prise suite à des menaces de rétorsion économique sur les représentants de NSS à Pékin. En janvier 2004, les pressions auraient repris pour que NTDTV soit définitivement exclue de la diffusion du satellite NSS-6 dirigé vers l'Asie. En février 2003, c'est l'opérateur américain Atlanta ADTH qui est revenu sur un accord de principe pour diffuser NTDTV, de peur de perdre des contrats avec d'autres chaînes chinoises. NTDTV qui revendique 200 millions de téléspectateurs potentiels a récemment reçu le soutien de 49 députés européens et élus de pays européens qui ont écrit au PDG d'Eutelsat pour lui demander de "maintenir notre engagement commun en faveur des valeurs et accords fondamentaux européens afin que cette fenêtre ouverte par le satellite continue de grandir".
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Updated on 20.01.2016