Somalie : un journaliste emprisonné pour avoir enquêté sur des soupçons de corruption au sein de la police

Arrêté par la police le 17 août dernier à Mogadiscio en plein cours, le journaliste somalien Mohamed Ibrahim Bulbul est détenu arbitrairement depuis plus d’une semaine. Reporters sans frontières (RSF) dénonce son arrestation et demande sa libération immédiate.

Un journaliste arrêté à l'université alors qu’il suivait simplement un cours. La scène s’est déroulée le jeudi 17 août 2023 à Mogadiscio, la capitale somalienne. Le rédacteur en chef de la chaîne de télévision Kaab TV Mohamed Ibrahim Bulbul, également secrétaire à l’information et aux droits de l'homme du Syndicat des journalistes de Somalie (SJS) a été emmené de force dans un véhicule banalisé par quatre policiers armés, habillés en civil. La veille, le journaliste avait révélé à l’antenne que des soupçons de détournement de fonds pesaient sur des officiers de police somaliens qui participaient à un séminaire de formation organisé et financé par la mission de l’Union européenne visant au renforcement des capacités en Somalie (EUCAP Somalia).

Blessé au torse et à l’épaule au cours de son transfert entre l’université et le département des enquêtes criminelles de la police, Mohamed Ibrahim Bulbul a été placé en garde à vue, dans des conditions indignes. Pendant deux jours, Il a été détenu dans une cellule dépourvue de matelas et sans avoir accès à suffisamment d’eau et de nourriture, et a été interrogé sans la présence d’un avocat. Le journaliste a été présenté le 19 août devant un juge du tribunal régional de Banaadir, région du sud-est de la Somalie, avant d’être transféré de nouveau, le 22 août, dans une cellule du centre de recherche criminelle de Sheelare à Mogadiscio. Depuis, ni son avocat ni sa famille n’ont eu le droit de lui rendre visite en prison.

Les journalistes doivent pouvoir enquêter et publier librement des informations, y compris sur les questions de gouvernance au sein des forces de défense et de sécurité somaliennes. Les autorités détiennent Mohamed Ibrahim Bulbul dans l’illégalité la plus totale depuis plus d’une semaine. RSF exige la libération immédiate du rédacteur en chef de la chaîne de télévision Kaab TV et le respect de la protection des sources des professionnels de l’information. Notre organisation s’inquiète par ailleurs d’arrestations successives de journalistes dans l’exercice de leurs fonctions ces dernières semaines.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Le 21 août, des policiers du département des enquêtes criminelles ont appelé le SJS pour avoir accès au téléphone et à l’ordinateur portable de Mohamed Ibrahim Bulbul, et ont également posé des questions sur les sources de sa récente enquête. RSF dénonce ces demandes infondées et illégales, mettant en péril la protection des sources.

Les motifs officiels de l’arrestation du journaliste et les charges retenues contre lui n’ont toujours pas été communiquées par les autorités somaliennes. Selon le secrétaire général du SJS, le commandant de la police de Banaadir aurait ordonné sa détention sans mandat valide. “La police devrait enquêter” sur les soupçons de détournement de fonds qui la concernent “plutôt que de s'en prendre au journaliste qui les a dévoilés”, estime le président de l’Union nationale des journalistes somaliens (NUSOJ), interrogé par RSF.

Au cours des deux dernières semaines, trois autres journalistes somaliens ont été arrêtés par les autorités. Le 23 août, Zakariye Mohamed Salad et Mohamed Dulmi-diid, respectivement reporter et caméraman pour la chaîne Five Somali TV, ont été interpellés par la police à Mogadiscio et détenus pendant trois heures. Les deux journalistes couvraient les conséquences de plusieurs attaques des shebab survenues la veille. Le 15 août, les autorités de Dhuusamareeb, capitale de l'État central de Galmudug, avaient déjà interpellé le journaliste de la chaîne Goobjoog TV, Abdifatah Yusuf Beereed, alors qu'il interviewait des officiers de la police régionale au sujet de leurs salaires. Ce dernier avait passé la nuit en prison avant d’être relâché sans aucune charge.

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