Le 7 avril 2007, sur la place Pouchkinskaïa de Moscou, quatre cents personnes se sont réunies en souvenir de la journaliste de
Novaïa Gazeta,
Anna Politkovskaïa, assassinée il y a six mois, dans l'immeuble du centre de la capitale où elle habitait.
Des membres du parti Iabloko (opposition), dont son président Grigori Iavlinski, du mouvement social Za Prava Cheloveka (Pour les droits de l'homme), des journalistes indépendants mais aussi des opposants à la guerre en Tchétchénie se sont réunis place Pouchkine. Une heure avant le début de la manifestation, six bus des troupes spéciales ont entouré la place, alors que les premiers participants commençaient à arriver. Parmi ces derniers, certains arboraient des banderoles où l'on pouvait lire « Qui a ordonné l'assassinat d'Anna Politkovskaïa ? », « Le prix de la vérité, c'est la mort »...
Nombreux étaient ceux qui portaient des insignes à l'effigie de la journaliste de Novaïa Gazeta. Des fleurs et des bougies ont été déposées devant des portraits d'elle. Plusieurs personnalités ont pris la parole, dont Grigori Iavlinski. Celui-ci a déclaré que le système judiciaire russe avait jusqu'alors failli à élucider les assassinats de journalistes. A moins que la situation ne change, la Russie restera, selon lui, un pays dangereux pour tous ceux qui disent la vérité.” Dans la foule certains remarquaient : “Nous oublions tout très vite. Je nous regarde et malheureusement nous sommes moins nombreux qu'au lendemain de sa mort.” Dans son communiqué du 5 avril, Reporters sans frontières avait rappelé que “la mobilisation ne devait pas faiblir”.
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5 avril 2007
Six mois après l'assassinat d'Anna Politkovskaïa : "nous attendons avec la plus grande impatience que le procureur général rende publiques les conclusions de l'enquête"
Le 7 avril, cela fera six mois qu'
Anna Politkovskaïa a été assassinée. Reporters sans frontières revient sur les pistes évoquées depuis le mois d'octobre 2006 et rappelle que la mobilisation ne doit pas faiblir.
“Nous attendons avec la plus grande impatience que le procureur général rende publiques les conclusions des investigations. De simples déclarations félicitant les employés de son ministère ne constituent pas un gage d'élucidation de ce crime odieux. Par ailleurs, nous rappelons que les semaines qui passent ne doivent pas aboutir à l'affaiblissement de la mobilisation. Nous devons continuer à demander haut et fort que justice soit rendue dans cette affaire et que l'impunité cesse enfin en Russie, a déclaré Reporters sans frontières. Si les autorités s'abstiennent de présenter des éléments concrets et probants, la création d'une commission d‘enquête internationale ou d'une commission d‘enquête parlementaire en Russie pourrait s'avérer nécessaire.”
Lors d'un entretien avec Reporters sans frontières, Serguei Sokolov, l'un des rédacteurs en chef de
Novaïa Gazeta, a déclaré que « pour l'instant, nous n'avons aucune critique à formuler au sujet du travail du parquet ». Il a refusé de commenter plus en détail l'affaire en expliquant qu'une « fuite d'information pourrait exercer une influence néfaste sur l'enquête ». Même déclaration de la part de Youri Tchaïka, le procureur général, le 29 mars 2007 à l'agence Interfax. Ce dernier s'est félicité du travail réalisé par les enquêteurs chargés de l'investigation et a indiqué que des résultats considérables avaient été atteints qui pourraient prochainement être révélés. En décembre 2006, le fils de la journaliste, Ilya Politkovski, s'était lui aussi déclaré satisfait de l'avancée de l'enquête.
Novaïa Gazeta satisfaite de l'enquête du parquet
Malgré le secret qui entoure l'enquête, la presse russe a fait état de différentes pistes dont aucune n'a pu être confirmée. Le 27 mars 2007, le défenseur des droits de l'homme, Lev Ponomarev, qui préside le mouvement social Za prava tcheloveka (Pour les droits de l'homme) a déclaré avoir reçu un courrier électronique prétendant révéler l'identité des responsables de l'assassinat d'Anna Politkovskaïa. Ce courrier désignerait des soldats d'une unité spéciale, un employé du FSB (services secrets russes) et l'actuel président de la République de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov. Lev Ponomarev a lancé une appel au parquet général pour que ce dernier ouvre une enquête afin d'identifier les auteurs du courrier. «On ne pourra savoir ce qu'il en est vraiment q'une fois ces hommes interrogés », a-t-il déclaré. Le 28 mars, le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, Dmitri Mouratov, a affirmé qu'il considérait cette lettre comme “fantasque”. « Je n'ai qu'un commentaire à faire : un homme qui lit attentivement cette lettre et la compare avec les circonstances de la mort d'Anna, y verra des contradictions claires. Tout cela ne coïncide absolument pas avec des événements réels », a indiqué le rédacteur en chef lors d'un entretien accordé à l'agence Interfax. La lettre indiquerait notamment que la journaliste a été assassinée dans la matinée du 7 octobre, alors que la tragédie s'est déroulée en fin d‘après-midi. Novaïa Gazeta a également reçu cette lettre, une semaine avant Lev Ponomarev. « Nous recevons souvent des lettres de ce type qui accusent les services spéciaux russes, Boris Berezovski ou encore Movladi Baïsarov de la mort d'Anna », a déclaré le journaliste.
Un rassemblement le 7 avril à Moscou et un livre à la fin du mois
En novembre 2006, la presse s'était fait l'écho du déplacement d'une équipe d'enquêteurs du parquet général et des services de sécurité à Nizhnevartovsk (Sibérie) pour y interroger d'anciens policiers ayant servi en Tchétchénie. L'un d'eux purge en effet une peine de prison en raison des articles d'Anna Politkovskaïa qui avait dénoncé sa participation dans l'enlèvement et la disparition d'un jeune Tchétchène, Zelimkhan Mourdalov.
Pour célébrer la mémoire de la journaliste, un rassemblement se déroulera le 7 avril à Moscou (place Pouchkine) à l'initiative du mouvement Pour les droits de l'homme. La rédaction de Novaïa Gazeta n'organise aucune action particulière en vue du cet anniversaire. Mais Sergueï Sokolov a annoncé à Reporters sans frontières que le journal travaillait actuellement à l'édition d'un livre consacré à Anna Politkovskaïa, contenant non seulement des textes de la journaliste, mais aussi de ses collègues. Selon les sources de Reporters sans frontières, il devrait être disponible à la fin du mois d'avril. « Nous sommes des journalistes, notre métier c'est d'écrire des textes », a-t-il conclu.
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Politkovskaïa"
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